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et ne faisait pas un plus grand progrès le jour où La Hire, en 1702, devant l’Académie des sciences, expliquait la force de la poudre par l’élasticité de l’air contenu dans les grains et entre les grains dilatés par la combustion.

L’excellent ouvrage de Robins, publié en 1742, et traduit dans toutes les langues, fut le point de départ de travaux plus exacts et qui peuvent, aujourd’hui encore, servir sur plus d’un point de guide aux artilleurs. Robins a le premier mesuré la vitesse du projectile ; la comparaison directe de l’espace parcouru au temps du trajet surpassait les ressources de l’art. Le mouvement, disait Robins, est si rapide, et le temps si court, que si, en le mesurant, on commet la moindre erreur, on pourra se tromper de 500 ou 600 pieds sur l’espace parcouru en une seconde. Les voies les plus assurées de la science sont indirectes; c’est de l’effet du choc que Robins a déduit la vitesse. Le projectile, dans la méthode de Robins, frappe à bout portant un appareil mobile solidement construit en fer et protégé par une pièce de bois sur laquelle on tire. Il ne faut pas s’imaginer, disait Robins, que cette planche soit inutile. Si le boulet, chassé par une forte charge, frappait directement le fer, il briserait tout, serait réfléchi, et, indépendamment du danger auquel on serait exposé, on aurait le déplaisir de n’avoir rien avancé. On supprime aujourd’hui la planche, qui mériterait, je crois, le nom de poutre, et le boulet, reçu dans un lit de sable ou d’argile, y éteint son mouvement, qu’il communique au pendule. On peut se fier à la formule de Robins, elle traduit une loi rigoureuse de la science ; le travail inconnu de destruction en est éliminé. Que le boulet ait déchiré des fibres de sapin ou de chêne, fait une trouée dans la terre ou broyé des grains de sable, la relation entre la masse en mouvement, la vitesse initiale et l’angle d’écartement du pendule restera la même.

La vitesse imprimée au boulet ne mesure pas le mérite d’une poudre. en préférant celle qui, à charge égale, procure le plus grand écart, on commettrait une grave imprudence. L’impulsion, mesurée par la force vive du boulet, est le travail total des gaz de la poudre, proportionnel à leur effort moyen; mais, pour une même moyenne, les extrêmes varient, et les chances de rupture en dépendent. C’est l’effort maximum qui rend la poudre brisante. Si aucun produit chimique, jusqu’ici, n’est admis à charger nos canons, ce n’est pas l’énergie qui leur manque. Le chlorure d’azote, la dynamite, le picrate de potasse, le coton-poudre pourraient, sous un moindre volume, produire un aussi grand travail, mais le ressort de ces substances est trop impétueux et trop raide, leurs gaz se produisent trop vite, l’effort initial est trop grand; après quelques