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vapeur, sont sans influence sur le rendement. L’assertion était paradoxale. Les conditions de la meilleure marche sont réduites en règles précises. M. Deprez, applaudi par ses maîtres, a rempli tout leur programme. La machine, munie de son système, procure une économie officiellement constatée, et l’inventeur lui-même, respectueux de la seule vérité, sans se soucier d’affaiblir un succès auquel un plus habile aurait demandé la fortune, explique avec précision les conditions dans lesquelles l’inconvénient corrigé ne rendrait pas la machine moins parfaite.

Le travail d’une machine doit être comparé à la dépense faite pour le produire. L’admission anticipée de la vapeur et la compression qui en résulte, lorsqu’il n’existe aucune autre imperfection, diminue, pour chaque coup de piston, le travail de la machine; mais la dépense de vapeur, et avec elle, la consommation du charbon, sont réduites en même temps; le rapport reste le même. Le perfectionnement est comparable à celui qui, dans un appareil d’éclairage, procurerait, en même temps qu’une plus grande consommation de gaz, une plus grande production de lumière.

Les ingénieurs cependant, après de longs essais, avaient proclamé une économie de 20 pour 100. D’où vient cela? M. Deprez en donne la véritable cause. On demandait aux machines comparées la même quantité de travail. Celle qui portait la coulisse nouvelle marchait dans les conditions normales. L’allure de l’autre était forcée. Les choses se passaient à peu près comme si, voulant comparer deux machines, l’une de 9, l’autre de 10 chevaux, on leur imposait à toutes deux un travail de 10 chevaux. Parce que la seconde ferait mieux cette tâche (qui est la sienne), on aurait tort de la déclarer mieux construite. Le contraire aurait lieu si, pour faire l’épreuve, on leur imposait un travail commun de 9 chevaux. Une machine construite pour produire 9 chevaux de travail, si on supprime, par un jeu plus habile des tiroirs, l’admission anticipée et la compression de la vapeur, peut devenir une machine de dix chevaux; sa qualité restera la même : on brûlera, par heure et par force de cheval, la même quantité de charbon. Le système, toujours avantageux, de M. Deprez se trouve ainsi réduit à sa juste valeur. L’observation est judicieuse et fine; il y aurait eu, pour tout autre, mérite à la faire le premier; pour l’inventeur, le mérite est double.

M. Deprez avait trop vécu dans les ateliers pour ignorer qu’on y préfère à la précision la rapidité des résultats, et la simplicité à la rigueur. Le mouvement rectiligne de va-et-vient du crayon de l’indicateur fait naître sur un papier mobile une courbe nommée diagramme, dont la surface mesure le travail d’un coup de piston. M. Deprez s’est proposé de tracer cette courbe, ou, pour parler