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d’ingénieux essais. L’effort de la vapeur est variable, il faut, pour procéder avec ordre, le mesurer en chaque point de la course. L’indicateur de Watt a cette destination et met le corps de pompe en communication avec un petit cylindre dans lequel un piston, pressé par la vapeur, comprime un ressort qui donne la mesure de la tension : un crayon l’inscrit en traçant une courbe sur un papier mobile.

Cette solution rapide n’est qu’approchée. Pour s’ajuster à la force qui le pousse, un ressort a besoin d’un temps plus ou moins long suivant sa raideur ; l’indicateur n’en accorde aucun. Dans l’inscription continue d’une force qui varie sans cesse, un retard est inévitable et rien ne prouvée qu’il soit constant. De rapides sinuosités dans la courbe tracée, surtout vers la fin de la course, trahissent, si j’ose le dire, l’incertitude et l’hésitation du crayon. Les constructeurs prescrivent, il est vrai, de remplacer par un trait régulier, dont on se contente, la ligne moyenne de ces indications parasites. Plus scrupuleux et plus défiant, M. Deprez voulut, sans corrections arbitraires, obtenir un tracé certain. Il proposa une méthode qui fut signalée par Combes à l’Académie des sciences comme ingénieuse et nouvelle et réalisée bientôt avec succès par les ingénieurs du chemin de fer du Nord.

Le petit instrument que M. Deprez voulait remplacer était bien connu de Combes, qui trente ans avant, au retour d’un voyage d’Angleterre, l’avait, un des premiers, décrit et préconisé en France. « Cet instrument simple et portatif, écrivait Combes en 1847, est fort connu en Angleterre. J’en ai publié la description et je l’ai appliqué à plusieurs machines en y apportant une modification qui le rend d’un usage plus commode et un peu plus exact. » M. Deprez, approuvé et loué par Combes, voulut être complètement exact. Les effets d’une force, proportionnels au carré du temps, sont en un centième de seconde dix mille fois moindres qu’en une seconde. Le dilemme est décourageant : si l’action dure peu, l’effet est imperceptible; si elle se prolonge, le résultat n’est qu’une moyenne. M. Deprez, très ingénieusement, renverse le problème, il se donne la force et prend pour inconnue la position correspondante du piston. Au moment où la tension de la vapeur atteint la valeur assignée d’avance, elle détermine le mouvement d’une pièce jusque-là maintenue par une force supérieure et fait marquer un point de la courbe à construire.

L’appareil fut exécuté. M. Deprez prit toutes les mesures dans les ateliers du chemin de fer du Nord, sur la machine même munie de la coulisse inventée par lui. La conclusion fut inattendue. Les espaces libres, condamnés et proscrits, et l’admission anticipée de la