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en avait le respect et le zèle; il prit M. Marcel Deprez près de lui, et, tout en rémunérant ses utiles services, le dirigea sans le gêner en rien. Bientôt même, renversant les rôles, il rédigeait, pour les présenter à l’Académie des sciences, avant de les insérer dans un de ses ouvrages, les premiers travaux de son secrétaire.

M. Marcel Deprez simplifiait en le perfectionnant le mécanisme des tiroirs dans une machine à vapeur. Le mouvement du piston est alternatif; on doit, pour l’entretenir, agir sur les deux faces successivement, sans que les pressions opposées puissent, à aucun instant, entrer en lutte. A la fin de chaque course, la vapeur dilatée et refroidie s’échappe dans l’atmosphère ou dans le condenseur, pendant que celle de la chaudière entre du côté opposé. Une plaque, qu’on nomme tiroir, va, vient et glisse sans cesse, sur trois ouvertures qu’elle couvre et découvre pour fermer les communications et les ouvrir à propos. Cette pièce est la plus délicate de la machine ; une seule seconde de retard, un seul millimètre d’avance, pourraient troubler et renverser l’action. Les solutions de M. Deprez sont simples ; la description en serait longue. Quelques citations suffiront pour faire comprendre, sans en diminuer en rien le mérite, le généreux élan de l’excellent M. Combes.

Combes, dans ses études sur la machine à vapeur, consacre plus de vingt pages à la description du tracé de M. Deprez, qui n’est pas moins simple, — c’est la louange très flatteuse qu’il lui donne, — que celui du professeur Zeuner. M. Haton de La Gonpillière, dans une savante et judicieuse revue des progrès récens de l’exploitation des mines, décrit à son tour et juge avec autorité, après dix ans d’épreuves, la coulisse de M. Deprez. « Tandis qu’on ne craint pas dit-il, de multiplier indéfiniment les articulations dans certains appareils récens, celui de M. Deprez ne comporte qu’un excentrique et une seule articulation. » Les ingénieurs du chemin de fer du Nord ont constaté enfin, dans un rapport officiel, sur une locomotive munie du nouveau mécanisme, et pour un trajet de 30,000 kilomètres, une économie de 20 pour 100.

De tels jugemens semblent sans appel. M. Marcel Deprez, — le cas est rare, — les a trouvés trop favorables. Les conditions imposées aux tiroirs soulèvent plus d’un problème. Il voulut les résoudre. Sans consulter les maîtres ni pâlir sur les livres, le jeune volontaire de la science entreprit l’étude de la détente, la discussion des principes qui condamnent les espaces libres et prononcent sur les inconvéniens de l’admission anticipée de la vapeur. Le secrétaire de Combes avait des loisirs; les ateliers devinrent son école. Spectateur attentif, puisant à la source, il recueillait des observations, prenait note des singularités, critiquant tout, jugeant tout, et tentant