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en revendiquant en droit l’intégrité de son autorité politique civile, n’en a exercé, en fait, que ce qui était indispensable à la sauvegarde (tutela) de sa souveraineté indépendante, de sa liberté et de son inviolabilité, indispensable aux immunités de juridiction de la résidence pontificale, que le gouvernement italien est obligé de respecter en vertu même d’une loi qui, bien que non acceptée du pontife, n’en oblige pas moins le gouvernement devant toutes les nations du monde[1]. »

Si le successeur de Pie IX a rétabli des tribunaux pontificaux, il n’a en effet institué ni tribunaux civils, ni tribunaux criminels, ce qui eût donné lieu à de bien autres difficultés. Quoique, dans les Osservazioni publiées à cette occasion par la curie romaine, on prétende fonder le droit du pape sur ce qu’en perdant Rome, il a conservé la souveraineté territoriale du Vatican, Léon XIII ne s’est pas permis d’ériger d’autres tribunaux que ceux dont relève le fonctionnement des administrations pontificales. Pour admettre la légitimité de cette nouvelle institution, au point de vue même des lois italiennes, il n’est donc pas nécessaire de reconnaître, comme le soutiennent les Osservazioni, que, depuis septembre 1870, le pape est demeuré le souverain effectif du Vatican, qu’il reste le seul maître temporel de cet étroit domaine que n’ont jamais occupé les troupes italiennes, et qui n’a jamais pris part aux plébiscites d’annexion. Si ce système, qui serait peut-être le plus pratique et le plus simple pour tout le monde, est repoussé par le gouvernement et la législation du royaume, le droit de Léon XIII de créer un tribunal administratif n’en est pas moins facile à justifier en se maintenant sur le terrain de la loi des garanties. La loi de juin 1871 a beau refuser au pape toute souveraineté territoriale, elle a formellement reconnu la souveraineté du saint-siège, souveraineté abstraite, idéale, si l’on veut, mais qui, si elle signifie quelque chose, doit au moins valoir à celui qui en est revêtu le bénéfice de l’exterritorialité, de cette sorte de fiction par laquelle les

  1. Osservazioni di diritto e di fatto nella sentenza mossa dalla Corte di appello di Roma, l’11 ottobre 1882. Ces observations faisaient, non sans raison, remarquer que, dans deux affaires qui eussent semblé devoir provoquer des contestations de juridiction, lors des procès pour la succession du cardinal Antonelli et pour celle de Pie IX, le Vatican n’avait opposé aucun obstacle à l’action des tribunaux italiens. « C’est, dit la brochure vaticane, que, dans ces deux affaires, la liberté et l’inviolabilité du souverain pontife n’étaient nullement atteintes dans la personne de ses ministres, que les actes accomplis par ces derniers, au nom du pontife, dans l’intérieur du Vatican, n’étaient nullement soumis au contrôle (sindacato) d’autorités étrangères. Il ne s’agissait, dans l’un et l’autre cas, que de biens pour la plus grande partie situés hors du Vatican, et de litiges soulevés à propos de ces biens entre des personnes qui se trouvaient hors du palais apostolique et qui n’agissaient point par mandat du souverain pontife, lequel restait entièrement étranger à toute la cause. » On voit la différence entre ces procès plus retentissans et l’humble affaire Theodoli-Martinucci.