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à son parlement de trancher seul. Si jamais il doit y avoir un rapprochement entre la curie romaine et la monarchie unitaire, ce sera là cependant l’une des premières conditions de la papauté, et, de toutes les difficultés d’une telle entente, ce ne sera pas la moindre.

Laissant de côté cette question en quelque sorte préjudicielle, revenons à la situation faite au pape par la loi des garanties, sauf à chercher plus tard quel peut être le garant de ces garanties. En enlevant au pape les derniers débris de son domaine temporel, le gouvernement italien devait, pour tranquilliser les puissances et les catholiques du monde entier, pourvoir à la fois d’une autre manière à l’indépendance spirituelle et à l’entretien matériel du saint-siège. Le problème posé devant les législateurs réunis à Florence en 1871 était double. C’est à tort que l’opinion n’envisage souvent qu’un côté de la question, ce qui touche l’indépendance pontificale. Historiquement, les états du saint-père lui avaient été donnés moins peut-être pour garantir sa liberté que pour lui assurer des moyens d’existence. Dans les dernières années de la royauté pontificale, les états du pape, réduits en étendue, appauvris et mal administrés, remplissaient bien imparfaitement cette mission ; mais il en était de même de la première. En fait, on peut soutenir que la royauté temporelle du saint-siège avait cessé de garantir l’existence matérielle aussi bien que l’indépendance politique du souverain pontife. Pour l’une comme pour l’autre. Pie IX était obligé de recourir à l’étranger ; le saint-siège ne pouvait pas plus se passer des subsides que des soldats du dehors. À ce double point de vue, le pouvoir temporel des papes avait fini par faillir à sa mission ; des historiens ont même prétendu qu’il n’y avait jamais entièrement suffi. N’importe, la royauté pontificale avait beau, sous les derniers papes, avoir à tous égards perdu de son efficacité, il n’en fallait pas moins, en la supprimant, la remplacer dans la double fonction dont elle s’était acquittée tant bien que mal durant plus de onze siècles.

L’occupation de Rome par les Italiens n’a pas seulement atteint le saint-siège dans son indépendance temporelle, mais en un sens dans son indépendance matérielle, économique. Ce que la papauté a perdu en 1870, ce n’est pas seulement sa couronne temporelle, sa royauté, c’est, avec ses états et sa capitale, ses propriétés, ses immeubles, ses revenus, ses moyens d’existence. La médiatisation du pape et de l’état romain a eu pour conséquence la sécularisation de Rome et des biens de l’église romaine. C’est là un des faits qui ont le plus blessé le saint-siège et mis le plus d’obstacle à l’acquiescement du Vatican au nouvel ordre de choses.

À son entrée dans la ville éternelle par la brèche de la porta Pia, le gouvernement unitaire eût pu distinguer entre la souveraineté