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de la papauté et les fonctions essentielles du chef de l’église ; confusion enfin entre ce qui, depuis 1870, est la conséquence directe de la suppression de la royauté pontificale et ce qui est simplement le résultat de l’état de guerre actuel entre la chaire romaine et le pouvoir laïque. Pour faire justice de ces reproches, il n’y a qu’à distinguer entre eux.

L’épiscopat italien, affirment-ils, le clergé régulier et séculier du royaume, tous les corps ecclésiastiques de la péninsule pourraient être vexés et persécutés des Alpes à l’Etna sans que, pour cela, le pape fût gêné dans sa fonction cosmopolite de docteur ou de maître suprême du monde catholique. La nomination des évêques, la jouissance des menses épiscopales, le « patronat royal » de Naples et de Sicile, ce sont là des affaires proprement italiennes, qui ne touchent pas plus la liberté personnelle du pape que le choix des évêques en France, en Allemagne, en Amérique, aux antipodes. Il faut laisser là l’épiscopat et le clergé italiens, l’exequatur elle placet royal, choses dans lesquelles l’Italie est plus large que la plupart des états catholiques en paix avec l’église. Il faut oublier les congrégations, que la monarchie unitaire a supprimées comme corporations privilégiées officiellement reconnues, mais, qu’à l’inverse de plusieurs puissances catholiques, elle laisse se reformer librement sous ses yeux, reprendre au grand jour la vie commune, et racheter au nom de leurs membres les biens que l’on reproche au fisc de leur avoir enlevés. Ce sont là, encore une fois, des affaires d’ordre intérieur que chaque peuple règle à sa guise ; et, si les catholiques trouvent à cet égard les Italiens trop défians, hostiles même si l’on veut, comment ne voient-ils pas que cela tient pour une bonne part à l’hostilité que l’église n’a cessé de témoigner au nouveau royaume ?

« Quant au pape, en quoi, continuent les défenseurs de l’Italie, sa liberté de pontife a-t-elle jamais été entravée par nous ? Quelle est la liberté dont il a besoin ? N’est-ce pas celle de régler selon son jugement, ou mieux selon l’inspiration divine, la foi des fidèles et la morale catholique ? Eh bien ! qu’on nous cite un seul cas où cette autorité, le pape l’ait depuis treize ans exercée avec moins de liberté que lorsqu’il possédait encore un pouvoir temporel[1] ? Laquelle des fonctions du souverain pontife a été par nous interdite au pape ? Quand a-t-il, de notre part, rencontré des obstacles à la promulgation des dogmes, à la béatification des saints, à la condamnation des impies ? Quand a-t-il trouvé une barrière dans sa libre communication avec les fidèles ou avec l’épiscopat des deux mondes, avec les gouvernemens catholiques ou hétérodoxes ?

  1. R. Bonghi, Leone XIII e il Governo italiano, 1882, p. 25.