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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

Nous avons bien des fois indiqué les causes de la stagnation prolongée des affaires et de l’affaissement du marché jadis si animé. La plus profonde et la plus durable, celle dont l’action se ferait encore sentir alors que les autres auraient disparu, est l’ébranlement produit dans les fortunes privées par les conséquences du krach de janvier 1882, et la défaveur qui s’est depuis attachée, non pas à toutes les opérations financières, mais à celles qui paraissent plus ou moins entachées de spéculation. Le même public qui s’intéressait naguère aux variations si brusques d’un grand nombre de valeurs emportées dans le tourbillon de la hausse, n’a pas encore oublié aujourd’hui les déceptions si cruelles, les pertes si difficiles à réparer : il ne veut plus spéculer, c’est à peine s’il se résigne à opérer des placemens. Quant à la haute banque, qui n’a pas subi des pertes moins sensibles et dont le portefeuille est encombré de papiers dépréciés et invendables, elle ne trouve, ni dans les circonstances politiques, ni dans les conditions économiques du moment, les élémens favorables à un mouvement d’affaires qui lui permettrait de se dégager d’une partie de son fardeau. Elle attend donc pour agir que la situation générale présente une amélioration assez sensible. Or le temps passe, et la situation, loin de s’améliorer, semble au contraire se prêter moins que jamais à toute tentative de réveiller à la Bourse l’ancienne activité de transactions.

En d’autres temps, un fait purement financier comme l’abaissement du taux de l’escompte, jeudi dernier, par la Banque d’Angleterre, aurait provoqué sur notre place un peu de hausse. Mais nul n’ignore que cet abaissement, loin d’indiquer une modification heureuse dans la situation, signifie seulement que, malgré l’extrême abondance de l’argent, les affaires commerciales ne cessent de se ralentir, d’où la nécessité pour les grands établissemens d’escompte de lutter, par la diminution du taux du loyer de l’argent, contre la diminution progressive de leurs portefeuilles. Ajoutons enfin que la situation budgétaire de la France ne laisse pas de préoccuper vivement la spéculation qui redoute un emprunt de l’état soit à la fin même de 1883, soit au commencement de 1884. Le déficit de l’exercice en cours atteindra, selon