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conservateurs et de radicaux que les partis se donnent. Au fond, il ne s’agissait sérieusement dans ces élections que d’une lutte entre l’influence autrichienne et l’inlluence russe. C’est l’influence autrichienne qui l’emportait il y a quelques années ; c’est l’influence russe qui vient de l’emporter aujourd’hui, et, de touie façon, qu’un ministère nouveau se forme ou que le ministère conservateur essaie encore de vivre avec une assemblée hostile, il semble assez douteux que la politique de subordination à l’alliance austro-allemande puisse continuer à prévaloir dans les conseils de la Serbie.

La Russie, qui a eu son succès à Belgrade, n’a pas été, il est vrai, aussi heureuse en Bulgarie, à Sofia, où elle vient d’éprouver un certain échec. L’an dernier, le prince Alexandre avait fait une sorte de coup d’état et avait livré le pouvoir à quelques généraux russes demeurés pour le moment les seuls maîtres de la principauté. Il en était résulté un état violent qui ruinait les intérêts publics et ne faisait que s’aggraver en se prolongeant. Les conservateurs et les libéraux, qui représentent le parti national du pays, se sont coalisés et ont fini par reprendre l’ascendant. Le prince a fait sa paix avec l’assemblée bulgare en rétablissant la constitution et en formant un nouveau ministère plus national. Seulement la Russie a été assez avisée pour ne pas prolonger cette situation violente, pour éluder le coup en gardant une influence suffisante à la suite d’une aventure qui pourrait passer pour une contrepartie de son succès de Belgrade. C’est le jeu éternel de ces choses d’Orient. Ce qui vient de se passer à Sofia ou à Belgrade peut se passer demain sous une autre forme en Roumanie, et cela prouve tout simplement que ces jeunes pays n’ont que faire dans les grandes combinaisons diplomatiques où ils ne peuvent que se compromettre, en s’aliénant eux-mêmes au profit d’une politique qui ne répond ni à leurs sentimens ni à leurs intérêts. Qu’ils s’assurent la paix le plus possible, qu’ils se civilisent, ils auront plus d’avantage qu’à briguer une place dans la triple alliance, et à aller figurer à Hombourg ou à Vienne. C’est ce qu’ils peuvent faire de mieux. C’est la plus utile politique pour tous ceux qui ne sont pas nécessairement appelés par leur position, par leuis intérêts, à prendre un rôle direct et actif dans les grands raouvemens diplomatiques et militaires du monde.

L’Espagne elle-même, qui a certes tous les tiires à être comptée parmi les peuples, avait-elle à désirer de se voir représentée dans ce brouhaha de princes récemment réunis au-delà du Rhin ? Le jeune souverain espagnol avait-il absolument besoin d’aller en Allemagne pour se faire reconnaître parmi les rois de l’Europe ? C’est une question oiseuse aujourd’hui. Assurément le roi Alphonse XII n’avait mis aucun calcul profond dans ses projets d’excursion en Allemagne ; il n’y avait mis surtout aucune intention désobligeante pour la France. Il l’avait