sage administration les violences et les barbaries de son père. Rapace et avare, il prend beaucoup et donne peu. Ses voisins de Bamako disaient de lui : « Ahmadou nous a toujours trompés ; c’est un pillard, un brigand, qui rançonne tout le pays avec ses talibés, enlève nos femmes et nos enfans. » Son empire toucouleur s’en va par morceaux. Le Bélédougou a reconquis son indépendance. Ses frères, dont il a fait ses satrapes et qui gouvernent des royaumes en son nom, tendent à se détacher de lui, ne lui fournissent plus ni troupes ni argent, et quand il les somme de venir le voir, ils s’y refusent. Bien leur en prend, puisque le seul qui s’est rendu à ses pressans appels a eu la tête tranchée. Toutefois Ahmadou n’est pas un ennemi à mépriser. Il dispose encore de quatre mille cavaliers ou talibés, d’environ huit mille fantassins ou sofas, qui à la vérité refusent quelquefois de marcher ; mais, pour être obéi, il lui suffirait de renoncer à ses habitudes de sordide avarice, de distribuer autour de lui une partie de son trésor, et de proclamer la guerre sainte. Peut-être alors ses frères eux-mêmes lui viendraient-ils en aide. Celui qui est roi de Kaarta, Mohamed Montaga, semblait bien disposé pour nous, mais il doit compter avec les fanatiques qui l’entourent. Pour leur être agréable, il adressait cette année même au chef de notre colonne expéditionnaire une insolente missive par laquelle il lui mandait « que le Dieu qui a élevé la chapelle de l’islam, affaibli les villes des infidèles et détruit leurs constructions, confondrait l’incirconcis colonel Desbordes, fils d’un infidèle, le plus malfaisant, le plus traître et le plus méchant des hommes. » Il ajoutait : « Plus de correspondance entre nous. Adresse-toi à l’émir des croyans ; sa paix est notre paix, sa guerre est notre guerre. »
À l’amont de notre établissement de Bamako, dans la région du Haut-Niger, a surgi un autre conquérant musulman, et l’on peut dire de nous ce que Goethe disait un jour de lui-même : « Un prophète à droite, un prophète à gauche : l’enfant du monde est au milieu. » Ce nouveau conquérant, le trop célèbre Samory, qui avait réussi quelque temps à se mettre à cheval, sur les deux rives du Niger jusqu’à la hauteur ! de Faraba, n’est pas un Toucouleur. Malinké par son origine et de petits commencemens, après avoir été captif chez des forgerons, il s’est élevé par la trahison et la perfidie. Il s’insinua dans la confiance d’un saint marabout, le trompa si bien qu’il lui prit un jour ses richesses, ses amis, son armée et l’enfermai dans une prison, à la charge d’y employer le reste de ses jours à prier pour qu’Allah donne à jamais la victoire à son geôlier. Ce parvenu n’est pas un homme ordinaire. Il a su former dix-neuf escadrons d’une cavalerie bien dressée, dont l’approche est redoutée ; partout comme la peste. Il ne prend pas d’assaut les villes fortifiées ; il. les réduit par la famine, en procédant au blocus avec une rigueur mathématique. Malheur à qui tombe