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ses frais. Mais il faut qu’au préalable le bon gendarme achève son œuvre qu’il a si bien commencée. Il lui appartient de préparer le terrain, les traitans récolteront ce qu’il aura semé.

Certains usages, certaines idées profondément enracinées dans le cerveau des noirs contribuent aussi à rendre ces pays improductifs. Dans une partie de l’Afrique centrale, de Tombouctou à Kong et du Bélédougou au lac Tchad, il y a une monnaie courante qui est d’un grand usage dans les transactions; c’est le cauri, coquille univalve des mers de l’Inde. Dans le Soudan occidental, il n’y a pas d’autre instrument d’échange que les guinées, tissus passés à l’indigo et venant de France ou de Belgique, mais surtout de Pondichéry. À cette monnaie courante s’ajoute une monnaie de convention, c’est le captif. On fait des marchés en captifs et en fractions de captifs; un captif vaut un très beau bœuf, un demi-captif ne vaut qu’un bœuf médiocre. Le prisonnier de guerre est le billet de banque du Soudan et le signe de la vraie richesse. On ne dit pas, qu’un tel a un revenu de tant ou gagne tant par an; on dit : Ce chef est très riche, il a deux cents captifs.

Ce qu’il y a d’horrible dans l’esclavage, c’est le commencement. On arrache la femme à sa maison, on sépare à jamais l’enfant de sa mère et on le condamne à l’oublier. Heureusement pour lui, il a l’oubli facile, et une fois installé dans la case de son tyran, il y est assez bien traité pour qu’il se résigne à son sort. Il lui arrive même souvent de se rendre nécessaire, et, après avoir obéi, il commande. Tel captif devient un grand personnage et marche sur la tête de ses maîtres. Mais, doux ou cruel, l’esclavage engendre des préjugés funestes. C’est le captif qui fait tout, et les noirs s’accoutument à considérer le travail comme une marque d’infériorité, comme une servitude, comme un déshonneur. On l’a bien vu par la peine qu’avaient nos officiers d’artillerie de marine à recruter des ouvriers et des manœuvres indigènes pour bâtir nos forts; si généreusement qu’on les payât, ces ouvriers croyaient faire acte de captifs. Les pays de la vallée du Backoy ne deviendront riches et prospères que le jour où le travail n’y sera plus regardé comme un abaissement. Mais rien n’est plus résistant qu’une idée fausse, et c’est plus tôt fait de tuer un Malinké ou un Toucouleur qu’un préjugé. C’est par la guerre et le pillage qu’on se procure des captifs; en détruisant la guerre, on fera tarir la source de l’esclavage, et quand les captifs manqueront, l’homme libre apprendra à travailler. Tel sera le fruit de l’œuvre toute pacifique que nous avons entreprise au Soudan, et c’est encore à cela que servira le bon gendarme. Mais que de temps et d’éloquence il lui faudra!

Cependant un pas considérable a été fait. Il a suffi de trois campagnes et d’un demi-bataillon pour établir le protectorat français du Haut-Sénégal au Niger. Ces trois expéditions ont honoré également celui qui les a conduites et qui a su joindre la prudence à l’audace