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supporté par des poteaux munis d’isolateurs. Des pointes de laiton, dressés verticalement de 0m,50 en 0m,50, hérissaient ce réseau conducteur et le tout communiquait par un fil métallique isolé courant sur des perches avec un galvanomètre installé dans une cabane au pied de la cime. Le galvanomètre était relié à la terre par l’autre extrémité de son propre circuit.

Presque toutes les nuits qui suivirent l’installation des appareils, une lueur jaune blanchâtre illumina les pointes, sans que rien de pareil se manifestât sur les hauteurs du voisinage, pendant que l’aiguille du galvanomètre trahissait par ses mouvemens le passage d’un courant électrique. La lumière fut analysée au spectroscope et donna la raie jaune verdâtre qui caractérise l’aurore boréale. Ajoutons que l’intensité de la clarté et les déviations de l’aiguille variaient continuellement. Au reste, le givre qui se déposait sur les fils ne tardait pas à détruire l’isolement, ce qui rendait presque impossible une expérience de quelque durée, sans parler du froid qui engourdissait les doigts de l’opérateur.

L’appareil, installé plus tard sur le Pietarintunturi, à plus de 78 degrés de latitude, était à peu de chose près disposé identiquement, sauf que la surface munie de pointes était moitié moindre. Ainsi que le fait remarquer M. Lenström, la proximité de la «ceinture maximum » des aurores compensait cette infériorité. Le 29 décembre, un « rayon d’aurore » fit son apparition au-dessus du réseau, qu’il dominait verticalement de 120 mètres.


Notre tâche est terminée : après avoir tenté de rendre compte de l’aspect du météore, nous l’avons pour ainsi dire suivi à travers les âges et nous avons examiné quelques-unes des hypothèses, curieuses toujours, parfois bizarres, proposées autrefois par les physiciens. Bien qu’ayant interrogé la science scrupuleuse et sévère du XIXe siècle jusqu’à cette année 1883, nous avons été incomplet, souvent malgré nous ; aussi bien n’avons-nous pas eu la prétention de parachever un tableau détaillé. Expliquer les principes les plus essentiels, rendre compte des progrès les plus importans et montrer aussi combien sont grandes et nombreuses les difficultés à trancher, tel a été notre but. Il faut espérer que la science de l’avenir soulèvera ces obstacles et que l’on ne pourra plus répéter ce que disait Haüy, il y a moins d’un siècle, au sujet du phénomène qui vient de nous occuper : « Ce n’est pas toujours ce qui est connu depuis le plus long temps qui l’est le mieux. »


ANTOINE DE SAPORTA.