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les pôles, cheminant, les uns dans le gaz raréfié des couches supérieures, les autres dans l’intérieur du sol. C’est du phénomène de recomposition, favorisé par la présence de vésicules d’eau infinitésimales, de cristaux de neige imperceptibles, de petites aiguilles glaciaires, que proviendrait le météore dont nous essayons de faire l’histoire.

Il s’agissait de démontrer que l’hypothèse m question, déjà fort probable par elle-même, pouvait être regardée presque comme certaine. M. de La Rive parvint à son but à l’aide d’une fort curieuse expérience. Un ballon de verre était muni de deux tubulures opposées; l’une permettait de faire le vide dans l’appareil; l’autre donnait passage à une tige de fer doux qui faisait saillie à l’extérieur et se prolongeait en sens inverse jusqu’au centre du ballon. Une très forte couche isolante recouvrait le fer, sauf aux extrémités, et était elle-même recouverte par un anneau de cuivre qu’un fil conducteur permettait de relier à une source électrique. Le cuivre était donc chargé par la machine de fluide positif, par exemple, et le fer, mis en communication avec le sol, s’électrisait négativement par influence. Grâce à la faible résistance de l’air raréfié, les deux électricités se recombinaient en formant une gerbe lumineuse telle que les lueurs des tubes de Geissler; mais, et c’était là le point capital, si l’on venait à aimanter le fer doux, ce qui était facile à l’aide d’un électro-aimant, il se formait autour de l’extrémité libre du fer une couronne ou auréole concentrique au barreau et d’où divergeaient des jets plus brillans. Un peu de réflexion suffit pour concevoir que le fer doux représentait à la fois la terre et l’aimant terrestre, le cuivre l’air des hautes ouches atmosphériques, et l’extrémité libre de la tige aimantée les régions polaires.

Il nous reste à dire quelques mots d’un point qui n’est pas sans importance : celui de la périodicité du phénomène. D’abord, les aurores sont bien plus fréquentes en hiver qu’en été, chose fort naturelle, car elles sont invisibles durant les interminables jours des contrées polaires. Nous avons déjà dit, en parlant de l’hypothèse de Mairan, qu’on les aperçoit principalement pendant les mois des équinoxes, mars et septembre. Mais le fait s’explique très naturellement, toujours suivant les idées de M. de La Rive, mars correspondant à une période d’échauffement pour la partie tropicale de l’hémisphère nord, et septembre coïncidant avec la condensation en brouillards des vapeurs atmosphériques dans le voisinage du pôle. Ainsi, dans un cas, développement d’un excès d’électricité; dans l’autre, combinaison plus aisée des deux fluides. Peut-être une explication analogue rendrait-elle compte d’une certaine période undécennale coïncidant sensiblement avec celle des taches du soleil.