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segment obscur. Des feux jaillissent de la partie convexe de l’arc vers l’extérieur : tantôt ce sont de simples rayons, tantôt des colonnes de lumière. Ces jets, rapprochés les uns des autres, ou parfois écartés, « répandent une lumière fort éclatante, comme si une liqueur ardente et brillante sortait avec impétuosité d’une seringue, » dit Formey dans l’Encyclopédie. Souvent les fusées lumineuses émises de divers côtés, et convergeant vers un même point du ciel, s’y accumulent et forment ce qu’on nomme la gloire de l’aurore boréale, par analogie avec l’ornement que les artistes byzantins ont accoutumé de placer au-dessus de la tête de la Vierge et des saints.

Notre modeste essai de description est forcément très incomplet. Mais comment peindre la mobilité même? « Jamais une aurore boréale ne ressemble à l’autre, dit M. Martins; elles varient à l’infini. » Maupertuis, après quelques phrases de lieux-communs sur le contraste qui règne entre la désolation de la terre et la splendeur du firmament dans la zone arctique, décrit « une grande écharpe, d’une lumière claire et mobile, qui a ses extrémités dans l’horizon et qui parcourt rapidement les cieux par un mouvement semblable à celui du filet des pêcheurs, conservant dans ce mouvement, assez sensiblement, la direction perpendiculaire au méridien. » Notre compatriote vit aussi des drapeaux voltiger dans l’air, semblables à des bandes de taffetas.

Écoutons maintenant M. Nordenskiöld traçant le tableau des aurores boréales de Scandinavie, dites aurores à rayons. « Le phénomène est constitué par des bandes de rayons d’une intensité lumineuse plus ou moins grande, compliquées de rayons droits, nettement circonscrits ou réunis en fascicules, le tout situé transversalement à la direction générale de la bande[1]. Bandes et rayons changent à chaque instant d’aspect et de position. Tantôt les rayons s’élancent vers le zénith et s’accumulent dans son voisinage de plusieurs côtés à la fois, de manière à former une couronne d’aurore, tantôt ils tombent ensemble et se désagrègent en nuages lumineux ou en couches irrégulières. Tantôt les rubans se courbent et se replient en élégantes draperies ; tantôt ils se redressent de manière à constituer des arcs ou faisceaux de rayons uniformes. Dans la bande elle-même, un rayon chasse l’autre par une variation continuelle... »

Lors de son voyage au Spitzberg, en 1873, l’éminent voyageur a pu observer des phénomènes différens. Il parle alors d’une nuée

  1. Il nous semble que des franges de fauteuils ou de rideaux représenteraient, sans doute très grossièrement, les apparences que veut décrire ici M. Nordenskiöld.