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exercices de piété : on passait d’une oraison à une méditation, d’une méditation à une instruction ; les enfans ne devaient jamais parler qu’à voix basse, accompagnées de religieuses, marchant à distance les unes des autres pour ne pas communiquer ensemble. Une éducation aussi absurde n’était pas celle de tous les couvons ; il y avait, comme de nos jours, des couvens mondains dont Fénelon se plaignait. Mme de Maintenon eut le mérite de ramener quelque lumière, quelque grâce, quelque sérieux dans cette éducation, tantôt fanatique, tantôt superficielle. C’était une grande institutrice. Elle éloignait les dévotions exagérées : « L’institut, disait-elle, n’est pas fait pour la prière, mais pour l’action. » Elle avait interdit à ses maîtresses l’habit monastique ; elle voulait faire de Saint-Cyr une sorte de collège. M. Gréard dit avec raison qu’elle a été la première institutrice laïque. Au XVIIIe siècle, un écrivain remuant et fécond qui a enfanté je ne sais combien de projets de toute sorte, les uns chimériques, les autres réalisés depuis, l’abbé de Saint-Pierre, concevait déjà le projet d’un grand collège de filles et se plaignait qu’elles n’eussent d’autre éducation que celle du couvent. Fénelon, de son côté, et, après lui, son élève, Mme de Lambert, soutenaient l’excellence de l’éducation privée. Tout le XVIIIe siècle suit la même direction, par défiance contre les couvens. On signalait ce qu’il y a de contradictoire dans une éducation de cloître pour préparer à la vie mondaine ; on signalait aussi l’opposition des couvens et de la famille, la défiance et l’éloignement que l’on inspirait aux enfans à l’égard de leurs parens. A Saint-Cyr même, dont nous avons reconnu l’esprit libéral, les enfans ne voyaient leurs parens que quatre fois par an, pendant une demi-heure chaque fois, et en présence d’une maîtresse ; les modèles des lettres des enfans aux parens étaient tout faits d’avance ; nul rapport spontané et libre entre les parens et les enfans. Ces objections étaient en grande partie fondées : de là la préférence donnée à cette époque à l’éducation privée. Mais, dit avec raison M. Gréard, l’éducation privée ne peut être qu’un privilège. Elle demande une aisance et un loisir que toutes les mères ne peuvent avoir, et elle se réduit le plus souvent à l’absence même de toute instruction. M. Gréard conclut sur ce premier point, en montrant que la loi nouvelle a été le résumé et l’expression de toutes les discussions précédentes. « La règle d’études qu’elle propose, dit-il, est un libre idéal que l’on peut poursuivre dans la famille. Loin d’enlever la jeune fille à la mère, le législateur l’engage à en conserver la garde. Par la création des externats il leur offre un concours qui allège le poids de leurs devoirs, sans les dégager d’aucune responsabilité. S’il laisse le pensionnat s’établir pour répondre à d’impérieux besoins, c’est à la condition d’en faire reposer la