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Auger, célébrait jusqu’à des devoirs d’élèves, entre autres un lauréat de composition française, au concours général de 1808[1]. A plus forte raison, les grosses caisses du feuilleton tambourinaient-elles pour les élucubrations des professeurs. Maintes études furent consacrées par tel ou tel membre de l’Institut à des émules du père Rapin et de Vanière, qui avaient paraphrasé en hexamètres latins, l’un, M. Alexandre Veil, le Télémaque de Fénelon, l’autre, M. Dubois, l’Homme des champs de Delille[2]. La secrétaire perpétuel ne croyait pas déroger en exposant aux abonnés du Mercure les mérites d’un lexique, d’un Jardin des racines grecques, d’un recueil de morceaux choisis, d’un rudiment, ou d’un cahier d’expressions. Une méthode de thèmes, ou un traité de prosodie étaient annoncés par toutes les trompettes de la Renommée. On salua M. Guéroult comme un autre Quintilien, pour avoir « élevé la vocatif de la cinquième place à la seconde, balayé devant lui la règle du que retranché, et fait justice de l’ablatif absolu[3]. » Les Leçons de littérature et de morale, par Noël, prirent les proportions d’un monument; et ce maladroit compilateur marcha de pair avec les écrivains plus ou moins classiques dont il n’était que le porte-voix.

Mais, en ces jours de disette, ce fut surtout aux auteurs anciens que des affamés demandèrent leur pain quotidien. Dans le Mercure du 15 novembre 1809, M: de Jouy s’écriait : « L’avenir appellera notre âge le siècle des traductions. » Elles pullulèrent, en effet, de tous côtés, soit en vers, soit en prose; et, bonne ou mauvaise, chacune d’elles suscitait une légion de panégyristes ou de censeurs. Ils ne lâchaient pas leur proie avant d’avoir élaboré quatre ou cinq longs articles, sur lesquels s’abattait une nuée d’autres parasites avides de pâture. En face de ces interminables notices et de toutes ces gloses, on croit assister à une classe. La littérature de l’empire n’était plus qu’une manufacture de versions latines. Mais faisons trêve à l’ironie; outre que les ouvrages nouveaux avaient une médiocre valeur, et qu’il ne fût pas toujours commode d’en parler franchement, lorsque l’auteur plaisait en haut lieu, il y a quelque chose de touchant dans la candeur avec laquelle chacun avouait l’insuffisance de ses études et dans l’empressement qu’on mettait à la réparer.

Un extrait de M. Thurot, analysant une traduction de l’Iliade par M. Aignan, débutait ainsi : « l’Iliade est le chef-d’œuvre d’Homère; et Homère, le plus ancien écrivain que l’on connaisse, est le

  1. Louis Armet, élève de M. Le Chevalier. (Mercure.)
  2. Ces articles sont d’Auger et de Fauriel.
  3. Ce sont les expressions de Dussault.