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discussion du dernier projet de loi. Elles eussent prouvé aux uns que l’instruction des femmes n’est pas nécessairement une œuvre athée, aux autres qu’on peut être évêque avec des idées libérales et progressives : on y eût profité des deux côtés.

De l’enseignement supérieur des femmes passons à l’enseignement secondaire des jeunes filles, c’est-à-dire du rapport de M. Trasenster au rapport de M. Gréard. Cet éminent administrateur a consacré successivement à toutes les parties de l’enseignement (enseignement primaire, enseignement secondaire classique, enseignement secondaire spécial), un ensemble de rapports aussi remarquables par la précision technique que par l’élégance et la pureté de la forme, aussi riches d’érudition que de doctrine, et dont la réunion constituerait un ouvrage vraiment classique pour les éducateurs de tous les degrés. Dans toutes ces questions, M. Gréard s’est toujours placé du côté du progrès, mais avec tant de tact et de mesure, que l’on est étonné et charmé à la fois de trouver chez lui la raison si libérale et le progrès si sage. À tous ces rapports vient s’ajouter aujourd’hui le nouveau rapport sur l’enseignement des filles, qui est peut-être le plus remarquable de tous et, en tout cas, le plus agréable. Il contient à la fois l’histoire des faits et l’histoire des idées, et de ce simple historique, sans soutenir aucune thèse, l’auteur fait ressortir la nécessité du nouvel enseignement.

La révolution ne s’est pas intéressée beaucoup à l’éducation des filles. Elle l’a laissée en dehors de ses créations et de ses projets. Sous le consulat, Fourcroy déclarait, dans un rapport de 1802, que « la loi ne s’occupe pas de l’éducation des filles. » Un rapport de vendémiaire an ix nous apprend qu’à cette époque, il n’y avait à Paris que vingt-quatre écoles de filles, et encore sans élèves, sans livres, sans mobilier. Voilà pour l’instruction primaire. Quant à l’instruction secondaire, elle était encore plus abandonnée. C’est à Mme Campan que revient l’honneur, après la révolution et sous le premier empire, d’avoir donné l’élan à l’enseignement des femmes. Sous son impulsion et à l’imitation de ses efforts, de nombreux pensionnats secondèrent, et les couvens, supprimés par la révolution, commencèrent à se rouvrir. L’éducation de ce temps, nous dit M. Gréard, avait pour principal caractère la frivolité : « Les représentations scéniques, le jeu, la danse y tenaient une grande place, la plus grande peut-être. » Mme de Genlis, chargée de l’inspection des écoles publiques, réussit à faire corriger un certain nombre d’abus. C’est vers cette époque que se place la création des maisons de la Légion d’honneur : Saint-Denis, Écouen ; et ce fut Mme Campan qui en rédigea les statuts. Quelques autres personnes s’appliquèrent, à cette époque, à cette œuvre de restauration intellectuelle