à l’empire, ce n’était pas de lui trop sacrifier ; c’était, au contraire, de ne pas lui sacrifier assez; plus d’un, au lendemain de Sadowa, regrettait tout haut que nous n’eussions pas prêté ouvertement notre concours à M. de Bismarck pour créer au centre de l’Europe le vaste empire militaire qui devait écraser d’un tel poids nos frontières diminuées. Tant il est vrai que les erreurs sur la politique extérieure peuvent se prolonger longtemps et ne se dissiper qu’à la lueur sinistre des catastrophes !
Encore n’est-il pas bien sûr qu’elles s’y dissipent. Les mêmes hommes qui reprochaient au gouvernement de juillet sa timidité, qui prêchaient à l’empire le culte des grandes unités, professent aujourd’hui des doctrines d’où l’on peut conclure qu’ils n’ont rien appris, rien oublié, et sans doute rien vu. Pour qui cherche sans préjugés à se rendre compte du cours de l’histoire, il est clair cependant que les trois grandes périodes de notre action au dehors, depuis deux siècles, ont fait descendre peu à peu la France du rang privilégié qu’elle occupait dans le monde. La dernière de toutes, celle qui s’est déroulée sous le second empire, l’a laissée couverte de blessures tellement vives, tellement profondes que peut-être ne se fermeront-elles jamais. Sommes-nous du moins sûrs qu’elles ne s’aggraveront pas et ne marchons-nous pas vers un nouvel affaiblissement? C’est ce que je voudrais examiner ici.
Si je me proposais de tracer un tableau général de l’état où la politique suivie depuis quelques années a mis la France, je devrais à coup sûr accumuler de bien sombres couleurs. Le parti républicain, qui avait conquis le pouvoir par sa sagesse, ne s’en est plus souvenu dès qu’il l’a possédé. Une révolution subite s’est faite en lui. Déchirant le programme modéré que M. Thiers avait tracé de sa main mourante durant la période du 16 mai, et derrière lequel les radicaux eux-mêmes s’étaient abrités pour la lutte, il a porté une main téméraire sur tous les rouages de l’état, bouleversé les finances, compromis la richesse nationale, détruit la paix publique par la persécution des consciences et le mépris du droit de ses adversaires. En même temps, il a fait de l’instabilité ministérielle et de l’action directe de la chambre des députés sur l’administration, c’est-à-dire de la destruction de l’idée même de gouvernement, la règle constante de sa conduite. Cette sorte d’anarchie des pouvoirs publics, inaugurée sous la législature précédente, a continué sous la législature actuelle avec des progrès effrayans. S’il ne s’agissait que du trouble jeté dans les esprits, de l’affaiblissement graduel du crédit public, de la disparition de la confiance générale,