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LA
POLITIQUE ACTUELLE
ET LA SITUATION DE L’EUROPE

Les erreurs et les fautes qui portent sur la politique extérieure d’un pays ont cela de particulier que, si elles sont les plus graves de toutes, elles sont cependant celles dont les effets sont les moins prochains. Qu’un gouvernement, par imprévoyance ou par légèreté, compromette les finances; que, cédant à l’esprit de parti, il trouble la nation en frappant toute une classe de citoyens dans sa conscience et dans sa liberté; que, sous le coup de certaines menaces, il brise de ses propres mains les ressorts de l’état, mette le désordre dans l’administration, et détruise le principe d’autorité: bientôt les résultats d’une conduite aussi imprudente éclatent à tous les yeux, et l’anarchie qui dévore le budget, qui répand un vague malaise dans les rangs de la société, qui fait succéder au sentiment général de la sécurité et de l’espérance je ne sais quel dégoût du présent, je ne sais quelle crainte de l’avenir, avertit le pouvoir du danger dont il est menacé. Mais, pour la politique extérieure, les choses ne vont point avec cette rapidité; plus la maladie est profonde et tend à devenir mortelle, plus les symptômes en sont lents à frapper les regards d’une foule distraite et d’hommes d’état aveuglés.

La France a traversé durant ce siècle des crises intérieures aussi nombreuses qu’en apparence meurtrières. Après chacune de ces épreuves, elle s’est relevée avec une étonnante rapidité; le travail,