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prenait l’initiative de sa candidature. Les électeurs de l’état ratifièrent en quelque sorte cette manifestation en envoyant Jackson, au mois de décembre de l’année suivante, reprendre son siège au sénat des États-Unis.

Le prestige du libérateur de la Nouvelle-Orléans était resté considérable. « Il est, dans une grande partie du Sud et de l’Ouest, écrivait Webster, le candidat du peuple. « Mais il éveillait la défiance des hommes initiés au maniement des affaires publiques et soucieux du maintien des grandes traditions libérales de la république américaine[1], et il était peu vraisemblable qu’il fût proposé aux suffrages des électeurs présidentiels par les leaders du congrès réunis en caucus. Il s’en rendit compte et résolut de se débarrasser de ce mécanisme incommode ; une énergique campagne commencée par ses familiers, dans les journaux de Nashville, fut bientôt dirigée dans tous les états de l’Union contre le système du caucus. Personne, peut-être, n’a mieux compris que Jackson et n’a plus habilement exploité les instincts inférieurs de la démocratie. Il connaissait à merveille ce sentiment qui porte les masses populaires à subir l’impulsion ou la dictature d’un seul homme, mais à se révolter contre la direction d’une élite. Ce fut à ce sentiment qu’il fit appel. Il lui fut aisé d’exciter les jalousies de la foule contre l’intervention de ces chefs parlementaires qui invoquaient, pour se faire les conseillers du peuple, l’autorité de leurs lumières et de leurs services. Il souleva l’opinion contre cette coutume, qu’avaient respectée les meilleurs et les plus illustres citoyens, et, suivant la pittoresque expression de M. Parton, « le roi Caucus fut détrôné. »

Tandis que le caucus, désormais impuissant et impopulaire, tentait un dernier et malheureux effort en appuyant la candidature de Crawford[2], qu’une violente attaque de paralysie venait de priver du mouvement et de l’usage de la parole, une grande convention démocratique, réunie le 4 mars 1824 à Harrisburg, dans l’état de Pensylvanie, inaugurait un nouveau mécanisme électoral d’une incomparable puissance, et proposait la candidature de Jackson. Calhoun, qui s’était habilement effacé devant son rival, était désigné par la convention comme candidat à la vice-présidence.

L’élection présidentielle ne donna pas de résultat : Jackson obtint 99 suffrages ; J. Q. 4dams, 84 ; Crawford, 41 ; Clay, 37. Calhoun fut élu vice-président par 182 voix.

Aux termes de la constitution des États-Unis, lorsque aucun des

  1. Jefferson ne dissimulait pas l’inquiétude que lui causait cette candidature, et déclarait que nul n’était plus propre à remplir les fonctions de président. (Voir Webster, Correspondance, t. I, p. 371.)
  2. Sur 216 membres démocrates du congrès, 66 seulement prirent part à la réunion : 64 votèrent pour Crawford.