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courtisans du peuple maigre, et qui leur a plus d’une fois ouvert le chemin de la fortune et du pouvoir.


II.

Malgré l’appui du gouvernement et la faveur de l’opinion populaire, la situation de Jackson était devenue intolérable dans la Floride ; il le comprit lui-même et revint à la fin de 1821 s’établir à l’Hermitage. il y reprit ses anciennes habitudes, développa son exploitation, fit élever des constructions nouvelles et affecta de répéter qu’il entendait y finir ses jours dans le calme et dans la retraite. Il n’en suivait pas moins avec un extrême intérêt la marche des affaires publiques, il lisait attentivement les journaux, entretenait une correspondance active avec ses amis politiques, et recevait fréquemment ceux d’entre eux dont le dévoûment lui était particulièrement acquis.

Le second terme de la présidence de Monroe allait bientôt expirer, et les élections présidentielles qui devaient avoir lieu en 1824 commençaient à préoccuper les esprits. Les conditions dans lesquelles allait s’engager la lutte étaient nouvelles. Avec le quatrième des présidens virginiens disparaissaient de la scène politique les hommes qui avaient attaché leur nom à la conquête de l’indépendance et à la fondation de la république : et c’était dans la génération qui leur avait succédé que la nation américaine était appelée pour la première fois à choisir son premier magistrat. Dans la période de près d’un demi-siècle qui venait de s’écouler, les idées avaient changé comme les hommes. Le parti fédéraliste avait joué un rôle prépondérant dans l’établissement et dans la mise en œuvre de la constitution des États-Unis. A. L’époque où l’Amérique, placée sous le régime des articles de confédération, se débattait contre l’anarchie, lorsque ses meilleurs citoyens se demandaient avec Washington si les provinces arrachées à la domination britannique « formeraient une grande république ou tomberaient à l’état de fragmens insignifians et éparpillés d’empire, » Alexandre Hamilton et ses amis avaient trouvé dans la clairvoyance de leur patriotisme la solution de ce redoutable problème, et avaient fait prévaloir l’idée d’un pouvoir central assez fort pour assurer contre les prétentions particularistes des états l’existence et l’unité de la nation. Mais, suivant la loi commune, le grand parti qu’ils avaient créé n’avait pas survécu à l’œuvre qu’il avait eu la gloire d’accomplir. Peu populaire à l’époque même de ses plus éclatans services, suspect de tendances aristocratiques et de sympathies pour l’Angleterre, le parti fédéraliste n’avait pas tardé à s’affaiblir et ses divisions intérieures l’avaient peu à peu discrédité. Sous la direction de nouveaux chefs infidèles