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l’avons vu, dès 1813, dans une lettre au secrétaire de la guerre, réclamer l’honneur de « planter l’aigle américaine sur les remparts de Pensacola et du fort Saint-Augustin. » L’expédition qu’il était chargé de conduire contre les Indiens Séminoles lui offrit un prétexte qu’il jugea excellent pour reprendre cet ancien projet, et il s’empressa d’écrire au président que « si la possession de la Floride était jugée désirable pour les États-Unis, il se chargeait de l’assurer en soixante jours. »

Sans attendre une réponse officielle à ces étranges ouvertures il envahit la Floride à la tête d’un corps de milice et de volontaires formé dans les états les plus voisins, s’empara de Saint-Marks, sous prétexte que les officiers espagnols avaient encouragé l’hostilité des Indiens, chargea un de ses lieutenans de prendre possession du fort Saint-Augustin, marcha lui-même sur Pensacola, chassa le gouverneur du fort Barancas, où il s’était réfugié, fit capituler les troupes espagnoles et les remplaça par une garnison américaine.

Ce n’était pas assez d’avoir ainsi, sans déclaration de guerre et sans motif avouable, envahi le territoire d’une nation amie et de l’avoir traité en pays conquis ; dans cette rapide et brutale incursion, Jackson avait trouvé deux sujets anglais, nommés Arbuthnot et Armbrister, au milieu des Indiens avec lesquels ils étaient en relations de commerce. Il les considéra, au mépris du droit des gens, comme des prisonniers de guerre, et, malgré leurs protestations, il les traduisit devant une cour martiale. Arbuthnot était un vieillard de soixante-dix ans : il résulta des débats qu’il avait témoigné aux Indiens une vive sympathie, qu’il les avait assistés de ses conseils et engagés à faire valoir les droits que leur reconnaissaient sur certains territoires les stipulations du traité de Gand, qu’enfin il les avait avertis de la marche de l’armée de Jackson et qu’il avait ainsi facilité leur retraite. Aucune autre charge ne put être établie contre lui. Il n’en fut pas moins déclaré coupable d’avoir excité les Creeks à faire la guerre aux États-Unis, et condamné à mort. Quanta Armbrister, ancien lieutenant de la marine britannique, contre lequel était dirigée la même accusation, son crime avait consisté à résister avec une poignée d’Indiens à l’invasion en pleine paix d’une province espagnole par une armée américaine. La cour martiale le condamna pour ce fait, comme son malheureux compatriote, à la peine capitale : toutefois, sur la demande d’un des juges, l’affaire fut soumise à une délibération nouvelle, et la sentence primitive prononcée contre Armbrister fut commuée en une condamnation à cinquante coups de fouet et à douze mois de travaux forcés avec boulet et chaîne. Jackson considéra cette atténuation de peine comme un acte d’impardonnable faiblesse et ne craignit pas d’annuler, de sa