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caractère d’un véritable programme de gouvernement et présente un étrange contraste avec la politique exclusive et violente qu’il devait inaugurer quelques années plus tard.

« Tout dépend, écrivait il au nouveau président, du choix de votre ministère. En choisissant sans acception de parti des hommes connus par leur probité, leurs vertus, leur capacité et leur fermeté, vous tendrez à déraciner, si vous n’y réussissez entièrement, ces sentimens qui, dans d’autres occasions, ont apporté tant d’obstacles à la marche du gouvernement, et vous aurez peut-être la satisfaction et l’honneur d’unir un peuple jusqu’ici politiquement divisé. Le premier magistrat d’une grande et puissante nation ne devrait jamais se laisser influencer par l’esprit de parti. Sa conduite devrait être libérale et désintéressée ; il devrait toujours se souvenir qu’il représente la totalité et non une fraction de la nation. C’est ainsi que vous élèverez le caractère national et que vous acquerrez pour vous-même une impérissable renommée. Ce sont les sentimens d’un ami ; ce sont, si je sais lire dans mon âme, les vœux d’un véritable patriote. »

Monroe obéit à ces sages et patriotiques inspirations lorsqu’il réunit pour former son cabinet des hommes d’origine diverse et que les événemens devaient placer dans des camps opposés. Il prit pour secrétaire de la trésorerie W. H. Crawford, légiste distingué de la Géorgie, qui avait été son compétiteur à la présidence ; il confia les fonctions de secrétaire de la guerre à un jeune et ardent orateur en qui allaient bientôt se personnifier les passions et les audacieuses revendications du Sud, John Calhoun ; en même temps il appelait comme secrétaire d’état à la direction des relations extérieures le négociateur du traité de Gand, John Quincy Adams, fils du successeur immédiat de Washington, et l’un des plus dignes représentans de cette forte race des puritains de la Nouvelle-Angleterre qui a donné à la nation américaine, au dire de M. Gladstone, son type le plus accompli et le plus viril.

Les débuts de la présidence de Monroe furent troublés par l’agitation qui régnait parmi les Indiens Séminoles de la Floride, auxquels s’étaient joints un certain nombre d’esclaves fugitifs de la Géorgie et les débris de la tribu des Creeks, que Jackson avait rejetés au-delà de la frontière. Des circonstances particulières avaient contribué à développer cette agitation et lui donnaient une certaine gravité. La domination espagnole, à laquelle venaient de se soustraire

    dit, répondit celui-ci, que c’est un morceau de premier ordre, mais personne ne vous en croit l’auteur. — Soit, répliqua le président, mais est-ce que je n’ai pas eu tout autant de mérite à mettre la main sur un homme capable de l’écrire ? » (Atlantic Review, avril 1880.)