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marché libre, les transactions paraissent encore quelque peu animées, par suite du jeu incessant des primes pour le lendemain, qui donne lieu à un grand nombre de transactions, mais qui suppose les engagemens presque aussitôt liquidés que contractés. Au comptant, même incertitude de l’épargne, même va-et-vient des cours entre des limites étroitement fixées par l’impatience égale que montrent acheteurs et vendeurs à réaliser leurs pertes ou leurs bénéfices aussitôt qu’un écart de quelques centimes se trouve atteint.

Qu’il existe un parti de baissiers, tenant en échec ce qui reste de l’ancienne spéculation à la hausse, ce n’est guère douteux ; mais ces baissiers ne sont ni aussi puissans ni aussi nombreux qu’on le croit généralement. On ne saurait s’expliquer autrement la fermeté réelle des rentes françaises et de quelques-unes des plus importantes valeurs de la cote, qu’on ne voit point baisser, en dépit des mauvaises dispositions dominantes, et des progrès constans que fait le découragement parmi les porteurs de titres.

Ce qui rend les baissiers relativement prudens et empêche le découvert de prendre des proportions inquiétantes pour la tenue du marché, c’est l’extrême facilité avec laquelle les acheteurs se font reporter à chaque liquidation nouvelle. La défiance générale maintient beaucoup de capitaux disponibles, et les offres de concours sont tellement empressées que l’argent qui trouve encore à s’employer en reports n’obtient plus qu’une rémunération dérisoire. Encore faut-il reconnaître que cette situation ne modifie pas les dispositions des capitalistes, et que ceux-ci aiment mieux se contenter d’un revenu minime, ou même garder leurs capitaux inoccupés que de les employer en achats de valeurs. De plus, les vendeurs à découvert étant en nombre, et rien ne les sollicitant à des rachats, c’est par eux qu’est fournie la principale contrepartie aux acheteurs désireux de conserver leurs positions.

Il y a quinze jours, on a compensé le 3 pour 100 à 80 francs et le 4 1/2 à 108.50. Dès le lendemain de la liquidation, ces cours étaient attaqués et peu à peu le mouvement rétrograde s’est développé jusqu’à ce que le premier fonds eût atteint 79.50 et le second 108 francs. À ce moment, la guerre avec la Chine paraissait imminente ; toutes les heureuses conséquences du succès obtenu devant Hué et du traité qui en avait été le fruit paraissaient perdues. Les troupes chinoises passaient la frontière. Il fallait envoyer des renforts et l’on parlait de la convocation des chambres.

Le marquis Tseng est venu alors de Londres à Paris pour entamer de nouvelles négociations avec M. Challemel-Lacour ; ce fait a valu à nos rentes une reprise de 50 centimes. Les cours de compensation se sont trouvés regagnés. Mais serait-il raisonnable d’escompter une heureuse issue des pourparlers engagés ? Le gouvernement de Pékin entendra-t-il raison et ne nous forcera-t-il pas, par d’inacceptables prétentions, à