Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 59.djvu/476

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

imprimé à la république ; il peut aussi voir, dans des élections plus ou moins favorables, les signes d’une adhésion croissante du pays au système de gouvernement dont il se plaît à vanter les mérites. Soit ! Il croit servir ainsi la république ; il ne s’aperçoit pas qu’il ne représente que les passions, les préjugés, les intérêts, les illusions et les infatuations d’un parti. Ce qu’il désigne sous le nom de « gouvernement fort » n’est que le gouvernement d’un parti, de même que les œuvres qu’il énumère ne sont que des œuvres de parti.

On peut dire ce qu’on veut dans les discours officiels, et tout représenter sous des couleurs complaisantes. Traduisez les déclamations dans la réalité, il reste ce qu’on voit tous les jours : les actes ministériels qui se succèdent, les petits calculs d’une domination exclusive et jalouse. Est-ce que ce n’est pas le plus despotique esprit de parti qui a inspiré, imposé cette prétendue réforme judiciaire dont la chancellerie vient de commencer l’exécution ? Il s’agit bien d’exécution en effet ! M. le garde des sceaux, pour son coup d’essai, a exécuté des chefs de cours d’appel, des premiers présidens, et s’il n’y en a pas quelques-uns de plus exécutés, c’est que ceux qui ont été épargnés touchent à la limite d’âge. Ce n’est que le commencement de cette vaste manipulation de la magistrature française, et, M. le garde des sceaux ne le voulût-il pas, il serait entraîné forcément à des iniquités par la dangereuse logique de cet arbitraire qui ne lui a été confié que pour satisfaire des ressentimens et des convoitises Est-ce que M. le ministre de la guerre ne gouverne pas l’armée, n’interprète pas les règlemens en serviteur d’un parti ? On vient de le voir dernièrement encore. Un général du cadre de réserve a écrit une lettre critiquant assez vertement une circulaire ministérielle relative à la tenue des officiers. Le général, par sa position de demi-retraite, se croyait peut-être un peu plus libre d’exprimer une opinion sur le respect de l’uniforme ; il se mettait néanmoins eh dehors des règlemens et il a été puni sévèrement. A côté, un autre général a écrit un livre où, en prenant la liberté de tout juger, il a eu l’art de célébrer les vertus républicaines : celui-là jouit de toutes les faveurs ! Des deux côtés, cependant, l’infraction est la même. Et M. le ministre de la guerre lui-même, comme s’il n’avait pas assez de sa lourde et laborieuse administration, ne trouve-t-il pas le temps de faire des discours tout politiques, de dire son mot sur l’inauguration de la statue de Lafayette ? Notez qu’il n’a pas même paru au Puy, qu’il n’était obligé à rien, et qu’il a pourtant tenu à faire débiter par procuration une élucubration très républicaine peut-être, mais à coup sûr fort médiocre. Croit-on que la république serait moins en sûreté si M. le ministre de la guerre s’occupait exclusivement des affaires de l’armée au lieu de faire des discours politiques ou de se servir avec partialité des règlemens mili-