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qui vient de naître en est sans doute innocent. Par quel renversement de la justice et de l’équité le seul des trois à qui le code ne peut pas même reprocher un quasi-délit, est-il aussi le seul sur qui la loi prenne un âpre plaisir à épuiser ses rigueurs ? « Voilà ce que nous voudrions arriver à faire comprendre, nous dit M. Dumas, et ce à quoi l’on s’obstine à ne jamais répondre. » Essayons donc d’y répondre une fois.


V

Quelques observations y peuvent suffire, dont voici la première. C’est qu’il ne paraît pas du tout que, s’il y a quelque chose à faire pour subvenir aux dangers sociaux que prévoit M. Dumas, et qui ne sont que trop certains, ce soit de rétablir dans nos codes une loi qui permette la recherche de la paternité. Mais ce serait bien plutôt, si l’on osait formuler une telle proposition, et qu’elle ne portât pas avec soi quelque chose de monstrueux, ce serait donc de soustraire à l’autorité de tant de pères indignes de l’être le plus d’enfans légitimes qu’il se pourrait. « Si l’on consulte les directeurs ou directrices des asiles ouverts aux enfans, garçons ou filles, il n’en est pas un, il n’en est pas une, disait hier encore M. Maxime Du Camp, qui ne sache par expérience que leurs efforts d’amélioration sont neutralisés par l’influence des parens. Tous réclament une loi nouvelle qui les investirait d’un droit que le père et la mère sont indignes d’exercer, car ils ne l’exercent qu’au détriment de l’enfant. » Et comme on pouvait lui répondre que, raisonnant dans l’exception, il ne parlait peut-être là que pour ces énormes agglomérations d’êtres humains qui sont nos grandes villes ou nos cités industrielles, il avait soin de rappeler un vœu significatif formulé par la Société générale des agriculteurs de France, demandant une loi qui permît : « 1° de dessaisir de la puissance paternelle, au moins jusqu’à la majorité des enfans, les parens qui les délaissent, ou qui sont reconnus incapables de pourvoir à leur éducation intellectuelle et morale ; et 2° de conférer l’exercice de la puissance paternelle aux œuvres de bienfaisance qui recueilleront ces enfans physiquement ou moralement délaissés[1]. » Ainsi donc, tandis que l’on se plaint de la manière dont les pères et mères légitimes, chez qui le sentiment naturel devrait être encore fortifié par l’obligation légale, exercent la puissance dont ils sont investis, c’est le temps que choisit M. Dumas pour demander que l’on vienne instituer l’obligation légale là même où l’on peut dire que le sentiment

  1. Voyez la Revue du 1er août 1883.