d’attention ? et de commencer, au nom de l’expérience d’un jour, par ne faire aucun cas de l’expérience des siècles ?
L’ancien droit, en effet, — pour autant du moins que l’on puisse réduire à une formule unique l’infinie diversité des coutumes locales, — admettait la recherche de la paternité. Deux principes, ou, comme on disait alors, deux proverbes dominaient la matière, le premier, qu’un jurisconsulte de la fin du XVIe siècle, Loysel, dans ses Institutes coutumières, énonçait en des termes qui sont déjà presque ceux de M. Dumas : « Qui fait l’enfant doit le nourrir ; » et le second, qui, posé par le président Fabre au commencement du siècle suivant, dans son Codex definitionum, est devenu le mot fameux : Virgini parturienti creditur. Ce n’était pas à dire, au moins dans l’origine, que toute fille en dût être que sur sa seule parole, et qu’ainsi, parmi plusieurs pères, il ne dépendît que d’elle d’en choisir un pour son enfant. Même, la désignation n’avait le plus souvent de conséquence que d’assurer, à la mère ce que l’on appelait ses « frais de gésine, » à l’enfant les premiers secours, et les plus nécessaires. Quant au père ainsi prétendu, il pouvait toujours être reçu par la suite à prouver dans les formes qu’il n’était pas effectivement le père. On peut penser seulement si la preuve était facile ! C’est pourquoi, comme en réalité, dans la plupart des villes et surtout des communes rurales, il s’agissait bien moins des intérêts de l’enfant que de ceux de la communauté même, à la charge de qui l’on ne voulait pas que cet affamé tombât, vit-on plus d’une fois les juges se tirer d’embarras en attribuant à l’enfant plusieurs pères, et les condamnant solidairement à faire les frais de son entretien, afin sans doute, comme dit Brid’oison, que l’on fût toujours fils de quelqu’un. Il y avait d’ailleurs un cas, selon certaines coutumes, où la victime d’une dénonciation de ce genre n’était jamais recevable à repousser la paternité qu’on lui prêtait : c’était quand la fille avait été sa servante, et vivait encore sous son toit dans le temps présumé de la conception de l’enfant. Le maître, alors, payait pour les amours de la maritorne avec le valet d’écurie, auxquels il ne restait plus qu’à quitter son service et s’en aller recommencer ailleurs. En son genre, cette loi valait celle qui condamnait à mort le laquais coupable d’avoir entretenu des relations avec sa maîtresse[1].
S’il était admis, en principe, que le père prétendu pouvait toujours en appeler de la dénonciation de la mère, en fait, et par une
- ↑ Voyez, pour l’ancien droit et la véritable interprétation de la règle : Virgini parturienti… le livre de M. Paul Baret : Histoire et critique des règles sur la preuve de la filiation naturelle. Paris, 1872, Marescq aîné.