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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

Un mouvement de baisse d’une réelle importance s’est produit pendant la seconde partie du mois, à la fois sur les rentes françaises et sur les valeurs de toute nature qui constituent le domaine propre de la spéculation. La cause originelle de ce mouvement est l’exagération de la poussée en sens contraire que les haussiers avaient réussi, au commencement d’août, à donner aux cours des fonds publics, à la faveur d’une surprise de liquidation.

On avait fait gagner en quelques jours plus de deux points au 4 1/2 0/0, fonds d’état jadis favorisé, auquel la conversion venait d’enlever son ancienne popularité et qui ne pouvait rentrer si vite en grâce auprès de l’épargne. La hausse s’était effectuée dans le vide, en plein chômage des affaires, alors que la spéculation prenait ses vacances, en dehors de tout concours des capitaux. Une amélioration ainsi obtenue ne pouvait avoir ni solidité ni durée. Les cours devaient d’eux-mêmes peu à peu revenir à l’ancien niveau.

Cette réaction inévitable a été précipitée par les incidens politiques qui, tour à tour, ont tenu depuis quinze jours l’opinion publique dans un état constant d’agitation et d’attente anxieuse, et il est probable qu’elle eût pris dans les derniers jours des proportions vraiment inquiétantes peur la situation du marché, si des faits précis et d’un caractère favorable n’étaient venus, à la veille de la liquidation, calmer et rassurer les esprits.

Les incidens fâcheux ont été d’abord la nouvelle de l’échec subi devant Hanoï par le général Bouet, puis la publication par une feuille officieuse allemande de cet article hostile à la France, que la presse européenne a commenté pendant huit jours, sans que la signification et la portée en aient pu être assez nettement caractérisées pour justifier des alarmes sérieuses et durables.

L’échec subi par le général Bouet avait produit une impression pénible. Non pas que le fait fût grave en lui-même ; présenté sous des couleurs assombries par les premières dépêches anglaises, ramené à ses proportions exactes par les télégrammes officiels, l’insuccès de l’attaque dirigée contre les Pavillons-Noirs prouvait seulement que la campagne serait plus longue et plus difficile qu’on ne l’avait supposé, et que le succès ne pourrait être acheté que par de nouveaux sacrifices ? de la métropole en capitaux et en hommes.

Le public financier a immédiatement escompté les conséquences probables ou simplement possibles de l’incident : nécessité de l’envoi de renforts importans, embarras du ministère, clameurs de