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guère que de fonctionnaires et de fournisseurs du gouvernement. N’oublions, pas les congréganistes, qui sont au nombre de 125, chiffre supérieur à celui des patentés français. le commerce de la Cochinchine avec l’étranger est de 41 millions à l’importation et de 55 millions à l’exportation. En ajoutant à ces chiffres les mouvemens du numéraire, on obtient un total de 100 millions, qui a plutôt diminué qu’augmenté depuis cinq ans, à cause des variations dans la récolte du riz. Les transactions se concentrent dans les ports de Saigon, Mytho, Rachgia, Camau et Hatien ; Saïgon absorbe la plus grande part. Les marchandises importées d’Europe sont destinées aux services du gouvernement, aux familles des fonctionnaires et à la garnison ; celles qui viennent de Chine (environ 15 millions de francs) sont destinées aux immigrans chinois. Le riz forme le principal article d’exportation (35 millions de francs) ; il s’expédie à Hong-Kong et à Java. Le mouvement général du commerce direct de la Cochinchine avec la France n’atteint pas 8 millions ; c’est avec la Chine, Singapore et Java que les relations sont le plus actives. Quant à la navigation, le pavillon anglais domine. Le pavillon français ne viendrait qu’au troisième rang, après le pavillon allemand, si l’on éliminait du calcul les voyages réguliers du service postal. De même dans les ports du Tonkin, sur le fleuve Rouge. Depuis l’ouverture d’Haïphong, ce sont les Anglais, les Allemands, les Chinois qui s’y livrent au trafic ; la part des armateurs et des négocians français est presque nulle.

Tels sont les faite et les chiffres qui ressortent des statistiques officielles. Actuellement la Cochinchine, même additionnée du Tonkin, est une colonie peu importante ; pour nos industriels, pour nos négocians, pour nos armateurs, elle est inférieure, comme produit, à nos petites colonies des Antilles. On assure qu’elle ne coûte rien au budget de la métropole : c’est une erreur. Si l’on faisait état de toutes les dépenses militaires qui devraient être imputées sur le compte de la Cochinchine, et surtout de la mortalité et des maladies qui résultent de l’insalubrité du climat, le déficit serait manifeste. Est-ce à dire qu’il faille désavouer ce qui a été fait et renoncer à la pensée politique qui a engagé la France à s’établir en Cochinchine ? Non, certes ; il y a là un intérêt d’avenir qui, malgré les difficultés et les déceptions du début, nous commande de persévérer ; il importe que nous ayons, nous aussi, un établissement dans ces terres lointaines, où nos rivaux d’Europe nous ont devancés. Mais quand, à propos de Saïgon, on nous parle « d’empire colonial, » quand on prétend avoir découvert dans le Tonkin une source de richesses pour la France, on commet une exagération qui peut devenir très périlleuse en égarant l’opinion publique et en poussant le pays vers la politique d’aventure. Il faut surtout considérer que les incidens qui se produisent dans une région