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accorder au commerce étranger des facilités et des garanties plus efficaces ; elles lui ouvrirent de nouveaux ports, non-seulement sur le littoral maritime, mais encore sur les rives du fleuve Yang-tse-Kiang, et dans les îles jusqu’alors interdites de Formose et d’Haïnan ; elles réglèrent avec plus de précision les rapports des Européens avec les douanes chinoises, les attributions des consuls, le mode de correspondance avec les mandarins, et jusqu’au protocole, détail très important dans un pays où le moindre fonctionnaire se croyait autorisé à traiter les étrangers comme les vassaux du Fils du Ciel ; enfin, elles donnèrent aux gouvernemens européens le droit d’entretenir des ambassades ou des légations à Pékin même, dans la capitale de l’empire, au seuil du palais de l’empereur ; ce qui, dans les idées chinoises, constituait presque une profanation,.. mais cette clause avait été jugée nécessaire pour consacrer la politique nouvelle et mater définitivement sa cour et ses mandarins. — Tels furent les résultats de la double expédition entreprise en 1858 et 1860. C’est ainsi que les principales puissances ont des ministres à Pékin et que la Chine est représentée en Europe par une légation. Les intérêts maritimes et commerciaux ont fini par obtenir un marché plus large et une sécurité plus grande sous le patronage direct des autorités diplomatiques et consulaires, avec une organisation douanière dont le personnel est dirigé par des fonctionnaires européens et à la faveur des progrès qu’ont amenés successivement l’emploi de la navigation à vapeur, l’installation des compagnies de paquebots et le percement de l’isthme de Suez.

De cette même période date également l’ouverture du Japon. Plus encore que la Chine, le Japon avait pratiqué la politique d’isolement. Les Hollandais seuls avaient accès dans la baie de Nangasaki, où ils n’envoyaient, chaque année, qu’un navire parti de Batavia et voici, d’après un rapport du commandant de la corvette l’Héroïne, qui fit relâche à Nangasaki en 18Zf3, comment s’opéraient les transactions : « Arrivé dans la baie défendue de chaque côté de l’entrée par un fort de vingt bouches à feu, le navire met en panne auprès d’un de ces forts pour attendre un canot qui porte un agent du gouvernement japonais. Dès que cet agent est à bord, c’est lui qui commande, et chacun doit lui obéir en esclave ; on dirige d’abord le navire vers une anse, où il débarque son artillerie, puis on le conduit auprès de la petite île de Décima, où il mouille. Une fois mouillé, il dévergue ses voiles, que l’on envoie à terre avec le gouvernail. Toutes ces formalités remplies, on procède à la mise à terre de la cargaison ; le capitaine donne l’inventaire de son chargement à l’agent japonais ; il en délivre un double au résident hollandais, qui est enfermé dans un lazaret sur l’île Décima ; mais cette remise d’inventaire est une pure affaire de forme, car le résident, pas plus que le capitaine, n’est appelé à savoir ce que devient la cargaison ;