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acte diplomatique l’extension des transactions commerciales qui jusqu’alors n’avaient été tolérées que dans le seul port de Canton. Les États-Unis, la France, l’Espagne, la Belgique etc., vinrent successivement réclamer le bénéfice des conditions obtenues par l’Angleterre ; de 1844 à 1846, les mandarins chinois, qui ne s’étaient jamais vus à pareille besogne, eurent des ambassades à recevoir et des traités à signer. Le traité de Whampoa, du 24 octobre 1844, négocié au nom de la France par M. de Lagrené, ne se borna pas à stipuler pour les intérêts commerciaux ; il fit en même temps reconnaître la liberté des communions chrétiennes à l’intérieur de l’empire, liberté dont les missions protestantes étaient appelées à profiter en même temps que les missions catholiques. La Chine s’ouvrait ainsi, contrainte et forcée, aux idées comme aux produits de l’Europe, à la civilisation comme aux religions des barbares. L’orgueil de la cour de Pékin n’avait pu sauver que l’interdiction du commerce de l’opium ; les Anglais lui avaient facilement abandonné cette épave. L’interdiction n’était qu’officielle, diplomatique et platonique. L’opium allait, comme par le passé, entrer en contrebande, et les Anglais pouvaient le vendre d’autant mieux, et d’autant plus cher, qu’il conservait la valeur du fruit défendu.

Au point de vue politique, cette période des traités marque une véritable révolution dans l’existence du Céleste-Empire. La Chine s’était vue, par un premier effort, arrachée à son état d’isolement et elle subissait le contact violent de l’Europe. Par sa population, par son étendue, par sa masse, et aussi par le rayonnement qu’elle exerçait sur la plupart des pays de l’extrême Orient, elle représentait en quelque sorte un monde nouveau qui venait d’être découvert, sondé, pénétré, sinon encore conquis. Mais, au point de vue commercial, les résultats de cette révolution ne furent point tout d’abord aussi décisifs que les diplomates européens l’avaient espéré. Les ports d’Amoy, de Foo-chow, de Ningpo ne reçurent qu’un très petit nombre de navires étrangers ; il y eut plus d’activité dans le port de Shanghaï, qui était appelé par son excellente situation à devenir un marché très considérable. L’insalubrité de l’île de Hong-Kong fit obstacle pendant plusieurs années aux progrès de la colonie anglaise. Les affaires les plus importantes continuaient à se traiter à Canton. Il fut prouvé d’ailleurs, que le gouvernement chinois s’appliquait à neutraliser l’effet des concessions stipulées dans les traités et qu’il essayait de repousser, au moyen de taxes intérieures, les marchandises qui auraient dû être dirigées sur les ports récemment ouverts. Il était bien difficile de déjouer ces manœuvres, contre lesquelles le gouverneur de Hong-Kong et les consuls élevaient de fréquentes réclamations. Les mandarins protestaient de leur bonne foi, de leur respect pour les conventions et pour la liberté du commerce ; ils désavouaient toute intention de gêner les affaires dans les nouveaux ports ; ils alléguaient que, par la force de