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à Montréel, aux environs de cette ville. Coligny prit ensuite Casan, près de Narbonne ; il alla à Uzès, à Nîmes, et passant par le Pont-Saint-Esprit, par Saint-Julien et Saint-Just, il pénétra dans le Vivarais et dans le Forez. Il faillit mourir de la fièvre à Saint-Étienne de Forez, mais il se rétablit assez à temps pour repousser la proposition d’une trêve qui était apportée par Biron et Malassise. « A voir, dit Bossuet, comme il tenoit ferme, on eût dit qu’il eût été le vainqueur, et qu’il eût eu une grande armée, lui qui ne menoit que des troupes quatre fois vaincues, ruinées par une marche de quatre cents lieues, et que la désertion, jointe aux continuels combats qu’il avoit fallu donner contre les garnisons et les paysans, avoit réduites à deux mille cinq cents mousquetaires et à deux mille chevaux, dont la moitié, à la vérité, étoit de noblesse française, très bien équipée, mais l’autre étoit d’Allemands, qui avoient perdu leurs armes sur les chemins, ou les avoient eux-mêmes jetées de découragement et de lassitude[1].  »

Le 10 juin, on partit de Saint-Étienne et on s’avança par Feurs, Roanne, Cluny, Saint-Léonard, dans la direction d’Arnay-le-Duc, en Bourgogne. Le maréchal de Cossé, qui avait quinze mille hommes sous ses ordres, chercha à arrêter l’amiral ; mais Coligny avait donné à ses troupes une extrême mobilité. « Ils n’ont, écrivait Cossé au roi, un seul homme qui ne soyt à cheval, n’ayant charrette, bagage ni artillerie.  » Les deux armées se rencontrèrent pourtant le 25 juin, à Arnay-le-Duc. L’amiral avait pris une très forte position, d’où Cossé ne put le déloger. Il se fit là plusieurs grosses charges de cavalerie où les jeunes princes purent donner avec Bricquemaut, Montmorency et Genlis. Cossé ne put suivre Coligny au-delà d’Arnay-le-Duc : il demandait qu’on ne lui envoyât plus que de la gendarmerie afin de pouvoir poursuivre un ennemi qui faisait chaque jour neuf ou dix grandes lieues de pays et par des chemins où l’artillerie ne pouvait marcher. Le roi se décida à faire offrir à Coligny une trêve, qui cette fois fut acceptée ; aux termes de la trêve, il fut permis aux princes, « pour accommoder leur armée, de s’étendre jusque près les villes de Cosne, Tonnerre et Clamecy.  » La Noue observe que « si ceux de la religion ne se fussent rapprochés de Paris, la guerre n’eût été sitost parachevée, de laquelle expérience beaucoup ont tiré cette reigle que, pour obtenir la paix, il faut apporter la guerre près de cette puissante cité… Les coups qui menacent la tête donnent grande appréhension.  » Il faut dire aussi qu’en Gascogne, en Languedoc, en Dauphiné, en Béarn, en Poitou, en Saintonge, les protestans résistaient toujours, et souvent victorieusement. On

  1. Leçons sur l’histoire de France.