Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 59.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

eussiez donné la bataille si légèrement ? — Comment ! dit l’amiral, petit capitaine de m.., osez-vous contrôler mes actions ? » Et sur ce, luy voulut donner de l’espée ; mais il en fut empêché et prié de lui pardonner.  »

A Parthenay, où se réunirent les chefs réformés, Coligny fit admirer sa constance ; il releva tous les courages, écrivit des lettres et des dépêches de tous côtés. Il alla voir un moment Jeanne d’Albret à Niort et mit Piles, en qui il avait toute confiance, dans Saint-Jean-d’Angély. Mouy, qui commandait dans Niort, fut tué par Maurevel, l’un des cavaliers de sa suite, qui alla se réfugier chez le duc d’Anjou. Niort capitula peu après, et le duc d’Anjou, maître de cette ville, et peu après de Fontenay, de Saint-Maixent, de Châtellerault, de Lusignan, alla mettre le siège devant Saint-Jean-d’Angély. Cette ville devait être l’arrêt de sa bonne fortune : pendant qu’il s’amusait à ce siège, au cœur de l’hiver, Coligny eut le loisir de traverser tout le royaume. Il conçut l’entreprise la plus hardie : laissant La Rochelle et Angoulême en bon état de défense, il résolut de quitter précipitamment la Saintonge, de se rendre en Guienne, en Gascogne, en Languedoc, d’y reconstituer une armée, de faire ensuite, s’il le pouvait, un retour offensif sur le centre de la France, peut-être jusque sur Paris. Il avait bien des raisons pour entreprendre ce grand voyage ; en premier lieu, il fallait donner contentement aux retires et, faute d’argent, les payer du sac de quelques villes et bourgades ; il voulait tendre la main à Montgomery, à Montbrun, à Mirebel, à Saint-Romain, et s’unir sur les frontières de la Bourgogne aux nouveaux secours qu’on lui promettait d’Allemagne.

Coligny quitta Saintes, avec les jeunes princes ; il n’avait que trois mille fantassins, outre la cavalerie allemande et française ; il fit faire aux reîtres trente lieues en trois jours et passa dans ces trois jours les rivières de la Drôme, de l’Isle, de la Vézère, et de la Dordogne, grossies par les pluies ; cette marche des reîtres fut regardée comme un vrai miracle et tout le monde admira comment l’amiral en avait obtenu « ces extravagans devoirs de guerre ; aussi, les ayant par delà, il les en sceut très bien remercier et récompenser de mesmes. Car, après avoir joint les forces des vicomtes et de M. le comte de Montgomery, tournant victorieux de Navarreins et d’Ortez, il vous les promena à ce bon pays d’Agenois, se donnant des aises et des moyens jusques à la gorge.  » Le 15 octobre, l’amiral était à Argental, sur la Dordogne ; il traversa le Rouergue, le Quercy, et de là alla à Montauban ; « sa petite pelote de neige en roulant se fit grosse comme une maison,  » dit La Noue. L’armée des princes séjourna pendant le mois de décembre 15(59 et pendant le mois de janvier 1570 dans les environs de Toulouse ; elle marcha ensuite vers Carcassonne et s’arrêta au mois de mars