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Arriva le dernier jour de septembre. Il avait sous la main six mille chevaux, français, ou reitres, huit mille arquebusiers et quatre mille lansquenets, six canons. L’armée de Monsieur était beaucoup plus forte ; elle comptait de huit à neuf mille chevaux, de seize à dix-huit mille fantassins, y compris six mille Suisses.

La tête de l’armée catholique rencontra et prit en flanc l’armée de l’amiral, en pleine marche sur Moncontour. Une charge de mille lances sur une longue colonne de trois cents chevaux et de deux cents arquebusiers y jeta le plus complet désordre. Il y eut une vraie panique chez les protestans  ; heureusement pour eux les catholiques se trouvèrent arrêtés dans un défilé où il ne pouvait passer que peu de monde à la fois. L’amiral put rallier les siens et commanda plusieurs charges qui arrêtèrent les poursuivans. Les deux armées se mirent alors en bataille, mais, comme l’artillerie protestante était déjà à Moncontour, elle ne put répondre à l’artillerie catholique. On ne s’aborda pas toutefois et la bataille fut remise au lendemain. Deux jours se passèrent. Les lansquenets ne voulaient plus marcher si on ne leur donnait de l’argent. Cinq cornettes de reîtres firent mine aussi de se révolter. Enfin Coligny se décida à partir le 3 octobre au matin pour aller droit à Airvault et mettre la rivière qui y passe entre lui et l’ennemi ; une heure fut perdue à apaiser le tumulte des Allemands. Après un quart d’heure de marche, l’amiral vit arriver à lui l’avant-garde catholique, avec dix-neuf cornettes de reîtres ; il manda au comte Ludovic de Nassau, qui commandait la bataille, de lui envoyer trois cornettes ; le comte arriva lui-même en toute hâte avec ces cornettes, laissant la bataille sans commandant. Coligny, inquiet des jeunes princes, les fit retirer avec une escorte, mais cette escorte fut bientôt suivie d’un trop grand nombre de cavaliers. La journée commençait mal. Coligny chargea l’avant-garde catholique et rencontra le rhingrave, qui lui tira au visage un coup de pistolet. Blessé au nez, il riposta et étendit le rhingrave à ses pieds. Une grêle de coups de pistolets lui enleva son épée, son baudrier, rompit la courroie de sa cuirasse ; il était aveuglé par le sang, qui ne pouvait sortir de sa visière baissée ; un jeune gentilhomme nommé Plotinière, qu’il avait nourri comme page, le tira de la mêlée et l’emporta loin du champ de bataille. Les catholiques avaient partout l’avantage ; les Suisses purent faire un véritable massacre de leurs ennemis détestés, les lansquenets allemands, dont il ne resta que deux cents hommes. Ludovic de Nassau et Volrad de Mansfeld couvrirent la retraite avec les débris de leur armée et rejoignirent l’amiral à Parthenay. D’Aubigné raconte que, pendant la retraite, « comme on portoit l’amiral en une litière, l’Estrange, vieux gentilhomme et de ses principaux conseillers, cheminant en mesme équipage et blessé, fit en un chemin large avancer sa litière