bienheureulx qui peuvent employer leurs vies pour servir à Dieu et à sa gloire ; et oultre cela, qu’il n’est rien si naturel que de deffendre son honneur, sa vie et ses biens. » Quelques jours après, Coligny dénonçait un nouvel assassinat commis sur la personne de Damanzay, lieutenant de la compagnie des gendarmes de d’Andelot ; ce gentilhomme, sortant de sa maison et tenant un de ses enfans par la main, fut tué à coups d’arquebuse par six hommes masqués qui étaient en embuscade derrière les murailles des fossés de sa maison. « Ce sont des fruits et effects des confréries du Saint-Esprit et de la Ligue, qu’ils appellent. »
Catherine de Médicis prépara avec le cardinal de Lorraine et Birague un coup de main sur Noyers ; on commanda à Tavannes de cerner le château et d’y saisir Condé et Coligny ; mais Tavannes était un soldat, il ne voulut pas se rendre le complice d’une trahison. Des messagers, envoyés à dessein aux alentours de Noyers, portaient des lettres avec ces mots : « Le cerf est aux toiles, la chasse est préparée. » Ces messagers furent pris, l’amiral et son neveu comprirent le sens du message. Ils résolurent de quitter Noyers et envoyèrent, au moment de partir, des lettres et un mémoire de doléances au roi et à la reine mère. Ils sortirent de Noyers le 23 août pour aller mettre leurs familles en sûreté à La Rochelle. La distance était grande : il fallut, sous le soleil d’été, par des chemins détournés, conduire la petite troupe, qui se composait de la princesse de Condé, alors enceinte, des enfans du prince, de ceux de l’amiral et de d’Andelot, qui étaient en bas âge. Cent cavaliers formaient toute l’escorte. Comment allait-on passer la Loire ? La chaleur de l’été avait fait baisser les eaux ; un gentilhomme de la troupe trouva un gué près de Sancerre ; les hommes passèrent à cheval, les femmes et les enfans dans trois nacelles. Arrivés sur l’autre bord, les fugitifs se mirent à genoux et chantèrent le psaume XVIV, qui célèbre le passage de la Mer-Rouge : « Quand Israël sortit d’Egypte, etc. »
La Loire passée, on était en pays ami ; la petite troupe prit son chemin par Le Blanc, en Berri. « Tous les huguenots des villes et des villages les suivent, écrivait La Châtre au roi, le 28 août, et mènent avec eux tous leurs enfans, tant petits puissent-ils être, et il y a un monde de charrettes et de chevaulx, lesquels chevaulx et charrettes ils changent à tous les villaiges où ils en trouvent. » Condé, arrivé en Poitou, demanda l’entrée de Poitiers à Vieilleville, qui répondit « qu’avec train de prince, volontiers, mais non pas avec si grande suite. » De nouveaux renforts augmentaient sa troupe à chaque traite. Enfin l’on arriva devant La Rochelle, qui ouvrit immédiatement ses portes. Jeanne d’Albret approchait ; Condé alla la chercher à Archiac et la ramena avec son jeune fils à La Rochelle,