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Orléans pour objectif. On tromperait ainsi l’armée royale, qui s’attendait à voir les protestans prendre le chemin de la Bourgogne. « Mais ceux-ci, raconte le duc d’Aumale, prirent des mesures presque inouïes pour l’époque et de tout temps difficiles à maintenir. C’est à Coligny que revient cet honneur : esprit logique et organisateur, il avait coutume de dire, quand il s’agissait de mettre une armée sur pied : « Commençons de former le monstre par le ventre.  » Il avait donc rassemblé un assez grand nombre de chevaux de bât, réparti les uns entre les compagnies pour le transport des bagages, affecté les autres au service des subsistances ; la défense de dépasser un certain chiffre de bêtes de somme était rigoureusement observée ; des distributions régulières de vivres avaient lieu à certains jours, dans une proportion déterminée, et l’approvisionnement était complété toutes les fois qu’on le pouvait. Un ordre régulier avait aussi été fixé pour les logemens : l’infanterie était toujours au centre, divisée par grosses masses ; la cavalerie était cantonnée dans les villages alentour. Chaque soir, ces cantonnemens étaient barricadés, retranchés ; des détachemens d’arquebusiers y étaient mêlés à la cavalerie ; enfin, un lieu de rendez-vous était assigné en cas d’alerte. En route, l’armée était toujours précédée, au loin, par une avant-garde de douze cents cavaliers, dont la moitié portait l’arquebuse.  » On marcha ainsi à travers une population hostile, sans aucun désordre, au nombre de plus de vingt mille hommes, jusque dans la Beauce, après avoir franchi la Marne à sa source, la Seine près de Châtillon, et passé par Auxerre, Bléneau, Montargis. En si bon ordre que se fît la marche, il fallait bien pourtant, dit La Noue, que « ce grand animal dévoratif passant parmi tant de provinces y trou-vast toujours la pâture.  » Les gens de pied et de cheval faisaient du butin, et l’on obtenait les vivres de gré ou de force.

Les confédérés allèrent mettre le siège devant Orléans. Condé, arrivé sous les murs de cette place, après avoir fait vingt lieues en deux jours, l’investit le 23 février. Pendant le siège, l’amiral fut chargé d’empêcher l’entrée d’un secours de cavalerie amené par La Valette : « Comme il avoit accoutumé, dit La Noue, d’aller en gros, de peur, dit-il, de faillir le gibier, aussi prit-il trois mille cinq cents chevaux et partit de si bonne heure, qu’à soleil levé, il se trouva dans le milieu des quartiers de cette cavalerie qui, nonobstant les bonnes gardes qu’elle tenoit en campagne, ne se put garantir que plusieurs ne fussent enveloppez ; et y eut quatre drapeaux pris, mais peu de gens tuez. M. de La Valette, qui estoit logé dans Oudan, rallia quatre ou cinq cents chevaulx et estant suivy de plus de mille des nostres, il se retira néanmoins avec une belle façon, tournant souvent teste.  »

Des pourparlers avaient été engagés entre Catherine de Médicis