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Ordonne que le présent jugement soit soumis à la sanction de Son Altesse le khédive.

Signé : RAOUF-PACHA.


Dès que le jugement est lu, le président passe au greffier un second document. C’est le décret de grâce et de commutation. En voici également la traduction :


Considérant qu’Ahmed Arabi a été condamné à mort par jugement de la cour martiale, en date du 3 décembre et par application des articles 92 du code militaire ottoman et 59 du code pénal ottoman ;


Considérant qu’il y a lieu, pour des motifs à nous personnels, d’exercer à l’endroit dudit Ahmed Arabi le droit de grâce qui nous appartient spécialement. Avons décrété et décrétons ce qui suit :

1. — La peine de mort prononcée contre Ahmed Arabi est commuée en exil perpétuel hors de l’Égypte et de ses dépendances ;

2. — Cette grâce n’aura nul effet et ledit Ahmed Arabi sera passible de la peine de mort s’il rentre en Égypte ou ses dépendances ;

3. — Nos ministres de l’intérieur et de la guerre et de la marine sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret.

Signé : MEHEMET TEWFIK.


La séance est levée ; elle avait duré dix minutes, montre en main, comme celle du matin. Une nouvelle ovation se fait autour d’Arabi. La miss anglaise tend son bouquet à M. Napier, qui le passe au héros. Celui-ci rougit, quelques murmures s’élèvent. Mais c’est plusieurs jours après seulement que l’imprudente femme reçut la punition de sa ridicule et odieuse manifestation. Une caisse lui arrive d’Alexandrie ; elle l’ouvre avec précaution ; l’intérieur en était tout blanc, avec des larmes noires ; il contenait une grande couronne de cimetière sur les rubans de laquelle on lisait : « Hommage des amis et des parens des malheureuses victimes assassinées le 11 juin et le 12 juillet à Alexandrie. » — Suivait une liste de noms d’une effrayante longueur.

L’impression produite en Égypte par ce dénoûment prodigieux du procès d’Arabi a été immense. Je n’ai jamais assisté dans ce pays à une pareille émotion. Au sortir de l’audience, les membres de la cour martiale fuyaient les uns en voiture, les autres sur de simples ânes, avec leurs costumes chamarrés d’or pour éviter toute