Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 59.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’engagea à écrire au président de la commission d’enquête pour le prier de vouloir autoriser cet avocat à se mettre en communication directe avec lui. C’est ainsi que naquit une nouvelle question plus grave que toutes les autres. Riaz-Pacha s’opposa formellement à l’admission d’un avocat étranger et fit remarquer que cette admission, incompatible avec toute espèce de législation au monde, l’était spécialement avec la législation égyptienne, soit indigène, soit mixte, surtout lorsqu’il s’agissait de crimes du genre de ceux qui étaient reprochés aux accusés. Sir Édouard Malet donna raison à Riaz-Pacha, et télégraphia dans ce sens à lord Granville. Huit ou dix jours s’écoulèrent pendant lesquels sir Charles Wilson garda une attitude de sphinx fort peu rassurante. Riaz-Pacha croyait avoir triomphé quand arriva de Londres une dépêche de lord Granville déclarant que l’Angleterre tenait à ce que la défense des accusés fût confiée « à des avocats choisis par les accusés eux-mêmes, étrangers ou non. » Les termes de la dépêche comme la suite des négociations ont montré que ces expressions générales avaient un sens tout particulier et qu’elles voulaient dire que M. Marc Napier, et surtout l’avocat qui allait lui être adjoint, M. Broadley, devaient avoir le fructueux monopole de cette entreprise d’un nouveau genre. Le gouvernement égyptien ne se méprit pas sur la portée de la dépêche de lord Granville, il comprit que c’était la fin du procès, fin ridicule et en dehors de toute convention, de tout principe de justice et de légalité. Il protesta de toutes ses forces et remit à sir Édouard Malet une note énergique qui se terminait en ces termes : « Le gouvernement de Son Altesse le khédive prie surtout lord Granville de vouloir bien considérer que le prestige du khédive et l’autorité de son gouvernement rétablis au prix de tant de sacrifices seraient de nouveau compromis aux yeux des populations, si elles voyaient les autorités égyptiennes, en présence d’une révolte sans exemple, désormais subordonnées à une intervention qui se manifeste en apparence au profit d’un chef de rebelles, coupable de crimes contre la personne du souverain et responsable, même en admettant l’absence de toute coopération effective, de tous les désordres, de tous les maux qui se sont amoncelés depuis un an sur l’Égypte. Les usages et la libre application des lois sont suspendus ; il en résulte dans les esprits un doute déplorable, des inquiétudes qui empêchent la confiance de renaître, l’ordre de se rétablir. Le retard du châtiment permet des incertitudes sur l’autorité effective de Son Altesse et paralyse l’action de son gouvernement. Il est permis de craindre que la prolongation d’un pareil état de choses n’entraîne encore des dangers plus graves. Après une instruction consciencieuse, dirigée par des hommes honorables et connus, et suivie en présence d’officiers britanniques spécialement délégués, le