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porta à Chérif-Pacha une note dans laquelle, au milieu de pensées et de phrases diffuses, il était facile de distinguer cependant les propositions essentielles suivantes : « Les rebelles seront remis aux autorités égyptiennes. Ils seront jugés et condamnés par elles conformément aux lois et aux usages du pays. Aucune condamnation ne pourra être exécutée sans l’assentiment du gouvernement de la reine, si ce n’est pour participation à des actes de pillage, de meurtre ou d’incendie, et pour abus du drapeau blanc. » Ainsi, la justice égyptienne ne devait avoir pleine liberté que sur trois points : 1° sur les massacres du 11 juin ; 2° sur l’incendie et le pillage d’Alexandrie ; 3° sur l’abus du drapeau blanc. Ce dernier point était assez étrange et prouvait, chez le gouvernement anglais, des notions juridiques un peu confuses. L’abus du drapeau blanc n’a jamais été un crime de droit commun, c’est un crime contre le droit des gens très difficile à apprécier ; car, de quelle manière peut-on juger ce qui n’est qu’un fait de guerre et savoir jusqu’à quel degré il est coupable ou non ? A quel moment une ville se rend ? à quel moment elle cesse le combat ? il est toujours fort malaisé de l’établir. Mais le drapeau blanc d’Alexandrie avait singulièrement gêné les Anglais, il avait trompé l’amiral Seymour, qui, grâce à sa présence, avait laissé brûler Alexandrie ; on lui en voulait beaucoup, c’est pourquoi l’abus en devenait un crime punissable sans l’intervention du gouvernement de la reine, tandis que la rébellion contre le khédive restait un péché véniel sur lequel l’Angleterre prononçait immédiatement l’absolution.

Quoi qu’il en soit, le gouvernement égyptien se soumit ; il accepta toutes les conditions de l’Angleterre. Un décret organisa la cour martiale ; un autre décret forma une commission d’enquête chargée de faire l’instruction judiciaire, de dresser des actes d’accusation individuels contre les rebelles, d’envoyer ces actes d’accusation et les pièces à l’appui à la cour martiale, enfin de se faire représenter devant cette cour par un délégué ayant mission de soutenir les accusations. Quand la commission se réunit, dans les derniers jours du mois de septembre, Riaz-Pacha, alors ministre de l’intérieur, tint les engagemens pris par Chérif-Pacha ; il y fit entrer sir Charles Wilson, colonel d’état-major. Il était d’ailleurs très nettement convenu que sir Charles Wilson n’aurait à intervenir ni dans la question légale, ni dans le fond du procès ; son rôle devait se borner à s’assurer qu’aucune violence n’était commise ou tentée contre les accusés et contre les témoins. C’est ce rôle que sir Charles Wilson n’a pas compris ; et c’est celui qu’il a joué sans aucun droit qui a dénaturé tout le procès. Sir Charles Wilson a pris constamment parti soit dans les questions de procédure, soit dans les questions de fond. Comme il assistait aux travaux de la