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adulation fut encore dépassée par Mahmoud-Samy, qui, de la prison où il était détenu, recommanda à ses serviteurs d’illuminer brillamment son palais. Les maisons de Mahmoud-Fhemy, de Toulba, de Soliman-Samy, furent également illuminées, par ordre de leurs maîtres. Tous les chefs du parti national étaient écrasés, humiliés, abattus ; tous se soumettaient avec bassesse au maître qui, après tant de mois d’impuissance, avait enfin trouvé des alliés pour les arrêter et pour les punir.

Arabi, Toulba, Mahmoud-Samy se regardaient, en effet, comme des prisonniers du khédive, non comme des prisonniers des Anglais. Ils avaient raison de le faire, car c’est au nom du khédive, c’est en s’abritant derrière son pouvoir que les Anglais avaient conduit la campagne. Lorsqu’ils étaient allés manœuvrer sur le canal de Suez, à ceux qui leur opposaient la neutralité de cette grande voie internationale ils avaient répondu par un ordre du khédive. Dès le commencement des opérations, le général Wolseley avait adressé aux populations la proclamation que voici : « Le général commandant l’armée britannique fait connaître que le gouvernement de Sa Majesté a envoyé des troupes en Égypte dans le seul dessein de rétablir, l’autorité du khédive ; l’armée n’opère, par conséquent, que contre ceux qui méconnaissent cette autorité… Le général commandant accueillera volontiers toute personne, investie d’une autorité quelconque, qui sera disposée à prêter son concours pour réprimer la rébellion contre Son Altesse le khédive, qui, seul, gouverne l’Égypte en vertu des fîrmans de Sa Majesté impériale le sultan. » Et le khédive, de son côté, avait donné aux autorités civiles et militaires de toute l’Égypte l’ordre suivant : « Les opérations militaires dirigées par sir Garnet Wolseley, général commandant en chef les troupes britanniques, n’ayant d’autre but que le rétablissement de la paix et de l’ordre en Égypte, sir Garnet Wolseley est autorisé par nous à prendre toutes les mesures militaires qu’il jugera utiles. Vous devez donc, à la réception de notre présent ordre, lui prêter votre concours et obéir à ses ordres, qui sont, en réalité, les nôtres. Quiconque se soumettra à lui sera, considéré comme se soumettant à nous-même, et quiconque ne se soumettra pas à lui sera considéré comme rebelle et traité par nous en conséquence. Nous vous adressons donc le présent ordre afin que vous vous y conformiez. » Etait-il possible de marquer plus clairement la nature de la guerre qui s’accomplissait ? En réalité, le général Wolseley n’était que l’auxiliaire, que le délégué, que l’agent du khédive ; c’est pourquoi toutes les autorités égyptiennes devaient concourir avec lui à la pacification du pays. Beaucoup d’entre elles l’ont fait. Sans vouloir diminuer en rien le mérite de l’armée anglaise, on doit reconnaître que les démarches d’un