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remparts inaccessibles en couvrissent les abords. Il n’en était rien. C’est à un journal anglais, l’Egyptian Gazette, que j’emprunte les détails de la marche sur le Caire. A peine Tel-el-Kébir était-il entre ses mains, que sir Garnet Wolseley s’écria : « Au Caire tout de suite ! » Les cavaliers partirent au galop à travers le désert ; l’état-major, escorté seulement de la garde écossaise, prit le train de chemin de fer ; personne ne songea, et pour cause, à poursuivre les soldats égyptiens, qui fuyaient dans toutes les directions et qui eussent pu si aisément ou se replier sur le Caire, ou se reformer à quelque distance de Tel-el-Kébir, pour arrêter un ennemi dont la confiance, partout ailleurs qu’en Égypte, eût été le comble de la témérité. Arrivé à Benha, la ville la plus fanatique du pays, une de celles où les massacres des chrétiens avaient été les plus nombreux et les plus cruels, une députation de notables du Caire se présenta devant le train qui portait sir Garnet Wolseley, ses officiers, sa garde et quelques journalistes. Venait-elle s’emparer d’une petite troupe assez imprudente pour s’avancer à toute vapeur au milieu de masses d’Egyptiens armés jusqu’aux dents ? Non. Elle venait apporter la soumission d’Arabi, du Caire, du parti national, de l’Égypte tout entière ! « La scène qui se passa sur la plate-forme à cette nouvelle, dit l’Egyptian Gazette, est une de celles dont on garde à jamais le souvenir. En effet, quelques instans avant, tout était inquiétude ; ce n’était plus à présent que des félicitations. Des officiers d’état-major qui, une demi-heure auparavant, avaient si gravement secoué la tête à l’idée « d’aller droit au Caire, » se faisaient maintenant les joyeux échos de cette idée ; et les sages qui avaient entassé argumens sur argumens contre la possibilité que le Caire fût sauvé de la destruction étaient tout sourians en répétant : « Je vous l’avais bien dit ! » Donc : « Au Caire tout de suite ! » devint encore l’ordre du jour, et jamais réunion de touristes du Nil ne prit place en wagon avec le cœur plus léger que ne fit l’état-major du quartier général le 14 septembre. Dans le train toutefois se trouvait la garde écossaise, et sa présence, on peut facilement le deviner, n’était pas considérée, même par les plus confians, comme superflue. Les deux côtés de la voie ferrée étaient en certains endroits littéralement couverts de soldats d’Arabi, alors que les indigènes, ignorant ce qui était arrivé, voyant vainqueurs et vaincus prendre la même direction, et ne sachant pas distinguer le vainqueur du vaincu, arrivaient par milliers. En approchant de Calioub, il parut évident que le bruit de la chute d’Arabi s’était déjà répandu, car notre marche se changeait en marche triomphale, tandis qu’à notre droite et à notre gauche, à travers les champs de blé, s’avançaient en longues files des soldats débandés, hommes et chevaux, la plupart des