les mœurs financières de notre pays que nous nous sommes toujours attaché à signaler? A un moment donné, les progrès de la richesse mobilière et la substitution de la propriété collective à la propriété individuelle nous ont paru devoir être mis en pleine lumière. Aujourd’hui il nous faut jeter un cri d’alarme parce que la forme adoptée pour la constitution de la propriété collective, — c’est-à-dire la société anonyme par actions, — a paru perdre de sa popularité et que la défaveur de la forme pourrait s’étendre au fond lui-même. Comme les erreurs particulières commises dans la gestion de ces sociétés n’ont pas seules précipité tout d’abord les esprits vers une spéculation désordonnée et amené ensuite la réaction actuelle, il importait de rechercher et de signaler les causes plus générales de ce double mouvement, pour faire remonter la responsabilité à qui de droit, et indiquer les motifs d’espérances ou de craintes qu’il nous est permis d’avoir sur la guérison ou la prolongation du mal.
Assurément, si le rôle du gouvernement doit se borner à assister passivement au mouvement des esprits et des affaires et qu’il n’ait ni direction à donner, ni conseil à faire prévaloir, on ne saurait lui imputer la crise actuelle. Nous avons cru jusqu’ici, et bien des exemples nous avaient confirmé dans cette pensée, que ce rôle effacé et muet ne convenait point aux hommes qui conduisent nos destinées; nous avons connu d’autres ambitions, nous avons plus d’une fois rappelé le souvenir du temps où de grands serviteurs de l’état rédigeaient, en fait de travaux publics par exemple, non des programmes hâtifs et mal définis, tracés au hasard et abandonnés aux caprices électoraux, mais, après avoir arrêté un plan général, en déterminaient l’exécution point par point et, après avoir devancé l’esprit public, le dirigeaient minutieusement dans la voie qu’il avait à suivre. Le système du gouvernement permettait aux hommes les plus compétens de se maintenir dans leur poste, d’y créer des traditions, d’y suivre longtemps une conduite dont les hasards de la politique ne venaient pas brusquement modifier la ligne et interrompre le cours. Nous n’en sommes plus là aujourd’hui.
Mais, à défaut d’impulsion à donner et de rôle actif à poursuivre, encore faudrait-il que, par des réticences calculées ou par des assertions inexactes, le gouvernement lui-même ne vînt pas aggraver le mal en trompant le public sur la situation financière qui nous est faite. On a suffisamment parlé des déficits du budget général ; mais le déficit est partout, s’étend à tout, aux départemens, aux communes, et l’on ne peut s’empêcher de redire que, loin de mettre un frein aux dépenses, on s’engage dans une voie qui tend à les multiplier. Il n’y a certes rien à répondre aux exigences du nombre, notre