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crédit qui ne font point parler d’elles, c’est-à-dire que la spéculation semble délaisser le plus, jouissent d’un renom solide et indiscutable. Dans leur sphère d’action spéciale, le Comptoir d’escompte, la Société de crédit industriel et commercial, dont les cours varient peu, peuvent être citées avantageusement.

Une dernière observation reste à faire, et nous ne croyons pas dépasser les bornes de ce travail en la présentant à ceux qui veulent bien nous suivre sur ce terrain particulier. Les établissemens de crédit ne présentent-ils pas tous un vice originel qui les condamne à des vicissitudes de fortune et qui, après des succès momentanés, aboutit souvent à des désastres, au moins à des déchéances forcées, en un mot, à leur disparition du monde des affaires? Ce vice, c’est la concurrence qu’ils se font entre eux. Rechercher la clientèle, la disputer à ceux qui la possèdent, et alors que les profits sont si faibles, l’obtenir en offrant des conditions meilleures, n’est-ce pas une tendance irrésistible qui peut réussir d’abord, mais qui mène finalement à travailler à perte? La concurrence, ce bien et ce mal dont toute industrie et tout commerce doivent tenir compte, qui est la source de tout progrès, mais aussi qui condamne tant d’essais à demeurer stériles, n’est-elle pas d’autant plus à redouter entre les sociétés de crédit que leurs conditions d’existence sont plus difficiles, moins rémunératrices, et que le renom d’un établissement tient à des causes multiples et mal définies? Et, en cette matière, ne peut-on passe demander si la concurrence est nécessaire et si elle répond aux vrais besoins du public?

Nous n’hésitons pas à dire qu’une telle concurrence ne saurait exister, et qu’au fond même, elle n’existe jamais. En réalité, la clientèle de tous ces établissemens est la même; ils se la partagent avec quelque préférence momentanée ; mais, entre ceux qui la méritent, le niveau ne tarde pas à se rétablir. Sans aucun doute, quelques intérêts particuliers doivent s’attacher à des maisons spéciales; un commerçant, pour établir solidement son crédit, reste fidèle à une maison de banque, plus il fait d’affaires avec cette maison et plus la surface de son propre crédit s’étend ; mais pour le public proprement dit, il n’en est pas de même, chacun a, selon les lieux, le temps et les nécessités différentes de tous les jours, besoin de recevoir de plusieurs côtés des sommes variables ou d’en transporter en des lieux multiples; de là utilité à correspondre non-seulement avec plusieurs sièges d’une même société, mais aussi avec des sociétés distinctes, et à se partager entre elles. La matière est si vaste, nous avons tant de progrès à faire à cet égard, que, dans l’état présent, nos banques de dépôt ont encore un champ bien large à exploiter, et que celles qui existent n’y suffiront point.