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Aussi bien la prospérité financière de l’état, l’équilibre du budget n’étaient pas plus sincères que les nécessités d’une production industrielle trop hâtive et les besoins d’une consommation sans limites. Au premier choc, tout s’est arrêté, l’erreur est apparue, et les sociétés financières, instrumens d’opérations mal conçues, ont fermé leurs caisses, volontairement ou non.

Les sociétés de crédit ont un caractère tout autre : leur but principal est de servir aux dépôts d’argent et de titres, de jouer le rôle de caissier du public, et de lui payer pour cela un intérêt : ainsi lui rendre service et le récompenser, tel est le résultat.

Sans remonter aux temps héroïques des lombards et des changeurs juifs, sans même rappeler plus près de nous, les essais de la Banque royale de Law, de la Caisse d’escompte de M. de Calonne, qui, après avoir eu pour ambition de substituer la monnaie de papier à l’argent, aboutirent au régime des assignats, si nous nous attachons seulement au système de la Banque de France, formée des débris de la Caisse des comptes-cour ans qui eut pour directeur Garat, et de la Caisse d’escompte du commerce, dont on peut dire que notre Comptoir d’escompte est l’héritier, quels énormes progrès n’avons-nous pas à constater dans l’industrie de la banque, depuis qu’au régime d’émission de billets d’état, maintenu par privilège à notre grand établissement de la Banque de France (qui reçoit les dépôts du public, mais ne lui paie rien pour ce service), sont venus s’ajouter tant d’établissemens privés se prêtant à des opérations de tout genre, ne limitant pas leur concours aux besoins. du commerce et de l’industrie, mais s’adressant à toutes les classes de la société, particulièrement aux dernières, c’est-à-dire au plus grand nombre, et lui offrant pour n’importe quelle opération financière un intermédiaire, non-seulement utile, mais encore le plus souvent profitable? On a de l’argent chez soi, il court des risques, on a peur de le perdre : une caisse le prend, le garde, il y est en sûreté et elle vous paie pour ce dépôt. Vous avez des valeurs mobilières, elle les reçoit gratuitement; il vous en coûterait soit du temps, soit de l’argent pour en toucher les revenus; cette même caisse se charge de le faire et, dès qu’elle les a encaissés, vous paie un intérêt. À ce compte et sans parler de toutes sortes d’opérations, — renouvellemens de feuilles de coupons, versemens, transferts, paiement de chèques, etc. — dont ils se chargent pour leurs cliens, comment de pareils établissemens peuvent-ils vivre, car il faut bien que leur intérêt à eux-mêmes trouve sa rémunération ? Moyennant quelques faibles droits de garde et des commissions, moyennant l’escompte fait au commerce et surtout les avances au public sur titres; en un mot, grâce à des placemens opérés à un taux supérieur à