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mêmes, et le rapporteur de la commission de colonisation se contente de reproduire encore le chiffre de 300,000 francs pour achat de terres en émettant seulement le vœu qu’il De fût pas, comme il était arrivé l’année précédente, réduit à 100,000 francs sur la demande du ministre des finances[1].

En novembre 1879, c’est-à-dire, juste un an après l’évaluation officiellement donnée par le général Chanzy de la quotité de terres appartenant encore à l’état, cette évaluation se trouvait avoir perdu toute valeur, et les premières paroles prononcées par son successeur, le nouveau gouverneur-général, M. Albert Grévy, accusaient, à tort ou à raison, un état de choses entièrement différent. « La préparation du programme de colonisation pour 1880 révèle, disait M. Albert Grévy, une situation qu’il importe sans plus tarder d’envisager en face. Plus des trois cinquièmes des terres qui doivent constituer les centres projetés n’appartiennent point à l’état. Il faudra les acheter. Les terres domaniales vont manquer à la colonisation. Celles qui restent, par leur dissémination et leur infériorité, ne peuvent former que de faibles appoints…[2]. » Le rapporteur de la commission de colonisation, délégué du conseil-général du département d’Oran, ne corrobore ni ne contredit les affirmations du gouverneur-général. Il reconnaît que, dans les pays où le domaine ne possède plus de terres, les besoins de la colonisation obligeront l’administration à exproprier les indigènes. « Dans ce cas, il y aura lieu, ajoute-t-il avec infiniment de raison, de se préoccuper sérieusement de ce que deviendraient les possesseurs du sol qui ne recevraient pas de compensations territoriales. La majorité des membres de la commission pensait donc qu’il serait bon d’inviter le gouverneur-général à n’autoriser ces expropriations que dans le cas où chacun des indigènes des groupes dépossédés resterait propriétaire d’une étendue de terre qui lui permettrait de vivre « n continuant à se livrer à la culture, ou pourrait s’en procurer ailleurs à l’aide de son indemnité[3]. » C’était là un avis non-seulement inspiré par un honorable sentiment de justice et d’humanité, mais qu’imposait le bon sens et que conseillait une politique tant soit peu judicieuse. Cette même commission faisait également preuve de sagacité quand elle réclamait de l’administration une mesure sollicitée déjà depuis longtemps et qui aurait eu pour effet de mettre à sa disposition les vastes étendues de territoires dont elle se disait dépourvue. Elle conseillait de procéder à la délimitation du domaine forestier, dont une partie pourrait être utilisée pour la

  1. Procès-verbaux du conseil supérieur (novembre 1878, p. 30).
  2. Procès-verbaux du conseil supérieur (décembre 1879, p. 12).
  3. Procès-verbaux du conseil supérieur (novembre 1879, p. 321).