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mieux discerner ce qu’il peut y avoir d’acceptable ou d’erroné dans les combinaisons préconisées par la commission budgétaire de la chambre des députés.


II

L’assertion souvent répétée, de 1879 à 1881, qui a servi de point de départ au projet de loi des 50 millions, c’est que l’état ne possédait plus en Algérie une quantité suffisante de territoires propres à être utilisés pour la colonisation et qu’il devenait, par conséquent, nécessaire de se les procurer par achat et, presque tous, au moyen de l’expropriation. Tel n’était pas l’avis publiquement exprimé, au mois de novembre 1877, par le général Chanzy devant les membres du conseil supérieur du gouvernement et qui ne rencontra, de leur part, aucune espèce de contradiction. « Les terres pour la création de nouveaux centres ne manquent point, affirmait-il, quoique l’on persiste à dire le contraire…[1]. D’après les nouveaux documens établis par le service compétent, l’état posséderait environ 554,000 hectares, dont 283,000 susceptibles d’être utilisés directement par la colonisation pour l’établissement de centres ou la création de fermes isolées, et 270,000 hectares situés trop loin des zones de peuplement européen, mais pouvant être utilisés pour des échanges avec les indigènes à déplacer ou à exproprier… Il y a donc assez de terres, avec ce que l’on possède et ce que l’on peut acheter, pour établir environ 10,000 familles et pour créer, au moins, 300 nouveaux centres[2]. » Sur ces données, qui, je le répète, ne furent l’objet d’aucune contestation, le rapporteur de la 3e commission du conseil supérieur (celle de la colonisation), membre élu et délégué de la province de Constantine, concluait à l’adoption d’un crédit de 300,000 francs pour achat de terres. D’après les renseignemens fournis par l’administration à cette commission, le programme général de colonisation a nécessiterait, pour son entière exécution, des achats de terres s’élevant au chiffre total de 8,000,000 de francs ; mais les soultes de rachat du séquestre devant fournir encore une ressource de 5,000,000, la somme de 3,000,000, répartie en dix annuités de 300,000 francs chacune, comblerait la différence et permettrait la réalisation complète du programme. » Voilà des chiffres bien modestes, en comparaison de ceux qui ne vont pas tarder à apparaître. Cependant l’année d’après, en 1878, les propositions du conseil supérieur restent encore les

  1. Procès-verbaux du conseil supérieur (novembre 1877, p. 38).
  2. Ibid. (novembre 1878, p. 338).