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sa démission d’officier de l’armée active et entrait, comme garde national, dans le bataillon royaliste des Filles-Saint-Thomas. Ce même jour, 4 août, le Mémorial de Gouverneur-Morris indique qu’il se rendit chez Montmorin et qu’il le trouva profondément abattu[1]. Montmorin tenta encore de causer avec le roi; on le renvoya à M. de Montciel, qui s’occupait aussi d’une sortie. Montmorin lassait Louis XVI de son attachement.

Le 10 août arriva. La veille, il y avait eu un dernier lever à la cour pour les derniers fidèles. Lorsque l’attaque commença, averti par le canon et le tocsin, Montmorin sortit à pied de son hôtel avec sa femme et Pauline. Il se réfugia d’abord rue de Grenelle, chez la marquise de Nesle. Ne se jugeant pas en sûreté, il chercha un autre refuge, le lendemain, chez Mme de Nanteuil. Elle le confia à sa nourrice, Hélène Leclerc, femme de Pierre-Louis-Mary Gazier, rue Faubourg-Saint-Antoine, no 128.

Des pièces signées Montmorin avaient été trouvées dans le sac des Tuileries. Le 16 août, une visite domiciliaire fut opérée rue Plumet ; les scellés furent apposés. Fauchet avait déjà proposé sa mise en accusation. Blotti tout le jour au fond d’une chambre, Montmorin ne sortait que la nuit pour acheter des journaux, ou pour remettre dans un endroit convenu d’avance des lettres émouvantes qu’il écrivait à sa femme, à sa fille. Quelques fragmens en sont conservés aux Archives, reliques précieuses et qu’on ne touche qu’avec émotion. On voit que, sous l’adresse de M. Barruel, ancien précepteur des enfans, les billets pouvaient quelquefois s’échanger[2].

On nous permettra de citer quelques lignes de Mme de Beaumont, datées du 15 août. Les noms sont dissimulés de peur d’une surprise ou d’une trahison. « Mille et mille remercîmens du petit mot que vous m’écrivez, veuillez le renouveler tous les jours. Les nouvelles des gens qui me sont chers sont plus nécessaires à mon existence que l’air que je respire. Parlez de moi à ceux qui m’intéressent. Sans mes deux acolytes (sa mère et son frère) je serais auprès d’eux. (Elle n’ose nommer son père.) Je les aime bien tendrement. Adieu, je ne puis vous en dire davantage. Je vous demande, à mains jointes, un mot tous les jours. » « ma charmante souveraine, répond le pauvre père du fond de sa cachette, combien il me tardait de vous écrire! Votre joli petit billet m’a tant fait de plaisir ! Ne nous laissons pas abattre, ne parlez pas de moi à l’étourdy. » Un autre billet est à l’adresse de son secrétaire, M. Lemoinne. Enfin, dans un autre, le dernier, on lit ces mots : « De vos nouvelles, je vous

  1. Mémorial de Gouverneur-Morris.
  2. Archives nationales, papiers séquestrés.