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ce poste a été supprimé en 1791. Brissot reproche-t-il à Montmorin d’avoir laissé dans l’oubli le patriote Genêt, chargé d’affaires à Saint-Pétersbourg ; on apprend que le ministre lui a au contraire accordé une gratification et qu’il a été ensuite envoyé en Hollande.

L’assemblée, au surplus, ne fut pas convaincue. Kersaint, ayant demandé qu’on mît aux voix le décret d’accusation, la motion fut rejetée ; l’impression des discours de Gensonné et de Brissot, avec les pièces certifiées conformes, fut ordonnée; et l’affaire fut renvoyée aux comités réunis de diplomatie, de surveillance et des douze.

Dans la séance du 28 mai, Chabot annonce que Montmorin s’est embarqué à Boulogne-sur-Mer avec la princesse de Lamballe et M. de Caraman. Gensonné aussitôt s’écrie de son banc : « La fuite de Montmorin doit prouver pour quels motifs les personnes qui ont voté l’ajournement semblent en ce moment si empressées d’entendre le citoyen Chabot. » La nouvelle était fausse : Montmorin publie une lettre dans laquelle il déclare courageusement qu’il n’a point et n’aura jamais le dessein de quitter la France, et qu’il ne quittera même point Paris avant que l’assemblée ait approfondi la dénonciation lancée contre lui. Chabot fait alors des excuses, mais promet de prendre sa revanche. Cependant les discours et les annexes, dont l’impression avait été ordonnée, sont distribués. Dans la séance du 2 juin 1792, le représentant Mayern se plaint de ne trouver dans les pièces justificatives que des fragmens de lettres, fragmens façonnés avec art, ajoute-t-il, et accommodés à la dénonciation. Le même jour, Montmorin fait remettre à la législative un mémoire en réponse à ses accusateurs. Il avait fait imprimer lui-même, en totalité, les pièces dont les extraits avaient servi de fondement au réquisitoire de Brissot. Citées pour prouver des crimes, elles n’attestent que des services. Partout, dans cette correspondance, le ministre justifie les mesures prises par l’assemblée nationale, proteste au nom de son énergie et de sa prudence, ne parle des princes émigrés que pour désavouer, au nom du roi, toutes leurs démarches, dissuade l’empereur de faire des tentatives pour rendre au monarque son ancienne autorité, annonce qu’elles seraient sans objet, prévient qu’elles seraient d’ailleurs sans succès et qu’on augmenterait la fermentation générale. Il représente qu’aucune puissance étrangère à la France ne peut y changer l’ordre de choses établi, qu’on peut dompter facilement un parti, mais non pas une nation nombreuse, exaltée et puissante. Montmorin voulait conserver la paix et l’alliance de l’Autriche; il voulait maintenir le traité de 1756 conclu contre la Prusse. Brissot et ses amis désapprouvaient passionnément cette politique. Ils en avaient le droit, mais, comme répondait Montmorin : « Tout ce que cela prouve, c’est que M. Brissot