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enlever encore à l’homme sa valeur propre pour la reporter à sa cause créatrice et au principe commun d’où découle la solidarité entre tous les êtres.

Enfin la théologie dogmatique subordonne également notre valeur à notre fin, et cette fin, ce n’est pas en nous qu’elle la place ; notre fin est Dieu même, elle est l’empire de Dieu, dont nous sommes les membres solidaires; elle nous est donc supérieure. Dieu nous a faits, comme il a fait toutes choses, en vue d’un but. La vraie charité devient l’amour des autres non pour eux-mêmes, mais pour leur but; c’est l’amour de la fin d’autrui. Comment ce but, étant ainsi supérieur à nous et aux autres, supérieur à tous les individus, en un mot transcendant, ne justifierait-il pas les moyens? La justification des moyens par la fin est l’écueil de toutes les théologies, parce que chacune se croit en possession de la fin absolue, devant laquelle il est clair que tous les moyens deviennent purement relatifs. Quand on croit connaître Dieu et la volonté de Dieu, c’est-à-dire le bien absolu et la fin absolue, le reste n’a plus de prix qu’en tant que moyen pour l’exécution de cette volonté et pour l’accomplissement de ce bien. « Pour comprendre ce qui est juste ou injuste, dit M. Secrétan, il est essentiel avant tout de savoir ce qu’est l’individu même. Est-il un être total? est-il un organe? Est-il but, est-il moyen? Voilà la question. » Or, selon M. Secrétan, l’individu n’est que moyen, si on le considère au point de vue philosophique et religieux. L’état même, dit-il, « cette unité provisoire et bâtarde, traite bel et bien les individus comme des moyens; il leur prend le plus clair de leurs revenus, il les envoie à la guerre sans leur congé et ne les ménage pas toujours autant que les chevaux, qu’il faut payer. » — L’argument, remarquons-le, est des plus contestables; si l’état traite les individus comme moyens, il a tort, et le libéralisme moderne soutient précisément que le but de l’état est la protection intégrale du droit individuel; les impôts consentis par les individus mêmes n’ont rien de contraire à ce droit; la guerre, cette défense en commun substituée à la défense individuelle, est ou doit être elle-même acceptée par la nation; enfin, s’il est des généraux qui ménagent moins les hommes que les chevaux, leur odieuse conduite n’est pas un argument pour un philosophe. « Et la nature, ajoute M. Secrétan, elle en fait bien d’autres!.. Pour elle, évidemment, l’individu n’est qu’un simple moyen, pas autre chose. » Mais, d’abord, la question est précisément de savoir si la morale de la nature, qui consiste dans l’absence de toute morale, peut être adoptée pour type et « divinisée, » comme étant « le visage » que l’absolu a pris. En outre, il est inexact que l’individu soit pour la nature un moyen : il n’est ni moyen ni fin ; et de même pour l’espèce,