découvrit bientôt qu’il y allait du sort du cabinet anglais, et que, si M. Gladstone s’obstinait à demander l’assentiment de la chambre des communes, il risquait fort sa position de premier ministre. C’est ainsi que le 23 courant, on a vu ce singulier spectacle d’un chef du cabinet britannique retirant avec une hâte significative une proposition qu’il venait de déposer. M. de Lesseps avait d’ailleurs rendu sa parole à M. Gladstone par une lettre datée du 20 juillet, où les raisons de ne pas maintenir l’accord intervenu se trouvent exposées comme suit : « En France, l’opinion publique, oubliant le passé, a unanimement applaudi à cet accord; en Angleterre, il me semble qu’une partie de l’opinion publique, qui s’est peut-être prononcée hâtivement, n’a pas compris toute la portée de l’arrangement équitable intervenu, et il en est résulté entre les deux nations amies des discussions fâcheuses, susceptibles, je le crains, de nuire profondément et pour longtemps, aux sentimens nécessaires de forte amitié qui unissaient les deux peuples. »
Les armateurs anglais hostiles à la compagnie ont donc obtenu le succès espéré. Après avoir empêché le gouvernement anglais de donner son appui à l’entreprise existante, ils vont s’efforcer, avec plus d’ardeur que jamais, de dépouiller la Société française de son monopole et d’assurer la constitution d’une société rivale. D’autre part, M. de Lesseps, qui a recouvré toute liberté d’action, annonce l’intention de convoquer avant peu les actionnaires pour leur proposer la construction immédiate du second canal, aux frais de la compagnie, et le système de réduction des tarifs tel qu’il était exposé dans le contrat désormais abandonné.
L’action Suez a baissé naturellement de plus de 100 fr., sur ses plus hauts cours, à la suite des déclarations faites, le 23, par M. Gladstone à la chambre des communes, et celles qu’il a été amené à faire encore depuis, en réponse aux innombrables questions qui lui sont posées sur son opinion touchant le monopole exclusif de la compagnie, ne sont pas de nature à relever l’enthousiasme des acheteurs.
Le débat sur les conventions se prolonge à notre chambre des députés plus qu’on ne l’avait supposé. Le vote, en tout cas, est assuré, aussi bien pour les cinq conventions déjà proposées par le ministre des travaux publics que pour celle de l’Ouest, déposée plus tard, et dont la clause principale, en dehors de celles qui sont communes à toutes les conventions, porte que, sur les 241 millions dont se compose la dette de la compagnie envers l’état (190 millions en capital et 51 millions en intérêts), la compagnie devra employer 160 millions à des travaux nouveaux, l’état abandonnant les 81 millions restant.
C’est la conviction du vote prochain des chambres sur les conventions qui explique la fermeté des rentes françaises et la hausse du 5